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Colère des agriculteurs: l'accord UE-Mercosur pourra-t-il être adopté malgré l'opposition de la France?

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La France s'oppose, "en l'état", au projet d'accord de libre-échange entre l'UE et le Mercosur, décrié par les syndicats agricoles. Mais le traité poursuit son chemin, poussé par d'autres États membres de l'UE.

Le projet d'accord de libre-échange entre l'Union européenne et les pays sud-américains du Mercosur secoue le monde agricole français. Si la France s'y oppose pour le moment, "en l'état" selon l'exécutif, ce n'est pas le cas d'autres États membres de l'UE, particulièrement l'Allemagne et l'Espagne, qui poussent à signer rapidement le traité entre les deux blocs économiques. Les réticences françaises pourraient néanmoins, techniquement, ne pas empêcher l'avancée du traité UE-Mercosur.

• Comment se passe la négociation ?

La Commission européenne est seule négociatrice des accords commerciaux en vertu des traités sur l'Union européenne, après en avoir reçu mandat par les États membres. Un premier accord a été conclu en 2019, mais jamais ratifié. Le mandat adopté ne peut en principe pas être modifié en cours de discussions, a rappelé cette semaine la présidence hongroise du Conseil de l'Union européenne, qui regroupe les Vingt-Sept au niveau ministériel.

Les Experts : Agriculteurs, le Mercosur dans le viseur - 18/11
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Une fois que la Commission juge que la négociation est terminée avec le Mercosur, elle met un projet de texte sur la table du Conseil pour accord.

• Comment se prend la décision ?

La Commission européenne a deux possibilités. Elle peut soit soumettre son projet d'accord tel quel, soit le scinder en deux parties. Dans le premier cas, il sera nécessaire que ce traité de libre-échange soit ratifié par les 27 parlements nationaux, car il contient des éléments de compétence nationale, comme la protection des investissements, par exemple.

Dans le deuxième cas, le traité est scindé en deux parties, dont une strictement commerciale, la plus importante, car elle détaille toutes les mesures concernant les échanges commerciaux entre les deux blocs, de l'industrie aux services en passant par l'agriculture. Cette possibilité, dénoncée par la France car contraire, selon elle, au mandat donné par les Vingt-Sept à la Commission, permet une adoption du texte par le Conseil de l'UE à la majorité qualifiée.

La Commission européenne n'a pas fait connaître sa décision, mais il est probable qu'elle choisira de scinder son texte, et optera donc pour un vote à la majorité qualifiée afin d'accélérer le processus de décision, affirment plusieurs sources diplomatiques.

• Peut-on bloquer la décision?

Oui. Il faut pour cela une minorité de blocage au moment du vote des Vingt-Sept. Le vote à la majorité qualifiée prévoit qu'un texte est adopté si 55% des États membres, soit 15 pays, représentant au moins 65% de la population votent en faveur.

Pour empêcher cette adoption, il faut réunir au moins quatre pays. Mais ce n'est pas suffisant. Il doit s'agir de pays assez peuplés pour empêcher les partisans de l'accord d'atteindre les 65% de la population de l'UE. La France doit donc rallier trois autres pays qui ne pourront pas seulement être Malte, Chypre ou le Luxembourg. La Pologne ou l'Autriche ont exprimé dans le passé leur opposition, mais la pression des défenseurs, l'Allemagne ou l'Espagne en tête, est très forte.

• Comment se passe la ratification ?

Le traité, scindé ou pas, doit être ratifié par le Parlement européen. La France a dans cette enceinte une autre possibilité de bloquer l'accord tant les eurodéputés sont partagés. L'écrasante majorité des eurodéputés français, toutes tendances politiques confondues, est contre. Ils peuvent compter sur un grand nombre de leurs collègues de la gauche radicale et des écologistes, mais les choses sont plus floues au centre, à droite et à l'extrême droite.

J. Br. avec AFP