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"C'est intolérable pour nous": la loi Duplomb remobilise les syndicats agricoles avec de nouvelles actions

Des agriculteurs du syndicat Jeunes Agriculteurs (JA) manifestent en faveur du projet de loi Duplomb, devant l'aéroport de Rodez, en Aveyron, le 15 mai 2025.

Des agriculteurs du syndicat Jeunes Agriculteurs (JA) manifestent en faveur du projet de loi Duplomb, devant l'aéroport de Rodez, en Aveyron, le 15 mai 2025. - Matthieu RONDEL / AFP

La proposition de loi Duplomb, qui sera examinée par les députés à partir de ce lundi 26 mai, divise les syndicats agricoles. La FNSEA a notamment appelé à de "nouvelles actions" pour se faire entendre.

La proposition de loi dite "Duplomb" agite (et divise) le monde agricole. Alors que les députés s'apprêtent à débattre du texte, la FNSEA et ses alliés des Jeunes agriculteurs (JA) espèrent remobiliser les agriculteurs pour peser dans les débats. Le tandem syndical majoritaire, par la voix d'Arnaud Rousseau, appelle à de "nouvelles actions" à compter de ce lundi 26 mai, jour où débute l'examen en séance publique à l'Assemblée nationale.

"Après avoir manifesté, travaillé, subi tout ce qui se passe sur le plan politique […], les promesses qui nous sont faites ne sont pas là et c'est intolérable pour nous", avait déclaré le président de la FNSEA sur RMC.

Cette proposition de loi sénatoriale, visant à "lever les contraintes" sur les agriculteurs, selon sa dénomination officielle, porte un assouplissement de certaines démarches administratives ou obligations environnementales en matière de produits phytosanitaires, de bâtiments d'élevage ou de stockage de l'eau. Adoptée par le Sénat en janvier dernier, elle est désormais passée dans les mains des députés qui, en commission des Affaires économiques, ont retoqué ou encadré une partie des mesures, augurant de débats animés dans l'hémicycle et d'une multitude d'amendements.

"À quelques voix près"

La loi Duplomb est "le véhicule législatif qui manque pour que l'ensemble des promesses qui ont été faites" par le gouvernement au cours des récentes mobilisations hivernales "soient engagées", abonde Hervé Lapie, secrétaire générale de la FNSEA, auprès de BFM Business. "Nous avons besoin de cette proposition de loi dans son intégralité", ajoute le numéro 2 du syndicat majoritaire, estimant qu'il ne faudrait pas "que les députés, au lieu d'enlever des contraintes, en rajoutent des nouvelles".

Difficile, pour l'heure, d'évaluer la teneur du texte à l'issue de son passage par l'Assemblée nationale, d'autant que certaines mesures sensibles cristallisent les tensions politiques, à l'image de la réintroduction dérogatoire des néonicotinoïdes. Au centre de l'hémicycle, la proposition de loi Duplomb suscite des réticences parmi les députés Modem, Ensemble pour la République et Horizons. Or, ce sont eux qui feront pencher la balance d'un côté ou de l'autre.

"Cela pourra se jouer à quelques voix près", car "tout le bloc central se pose des questions", souligne Hervé Lapie.

L'examen de la loi Duplomb devrait s'étaler sur plusieurs jours, voire jusqu'au mardi 3 juin, selon l'agenda parlementaire. Signe d'une bataille politique intense, près de 3.500 amendements ont été déposés, principalement venus de la gauche -1.500 amendements ont été déposés par les seuls écologistes.

Le tandem FNSEA-JA a commencé à occuper le terrain à la faveur de quelques mobilisations locales –en début de semaine, des autoroutes ont été bloquées dans le Nord pendant quelques heures par des dizaines de tracteurs. Pour maintenir la pression, des "actions ponctuelles" plus nombreuses sont prévues à partir du lundi 26 mai dans les territoires, à une époque de l'année où l'arrivée des récoltes occupe toutefois les agriculteurs dans leurs exploitations. Une action parisienne, avec un objectif d'écho national, est également inscrite à l'ordre du jour.

À partir de 10h, "des tracteurs stationneront toute la journée sur la place du Palais-Bourbon [devant l'Assemblée nationale, ndlr], rejoints par 150 à 200 agriculteurs", a promis la FNSEA dans un communiqué de presse. Cette mobilisation parisienne pourrait tenir "trois, quatre, cinq jours", selon Hervé Lapie.

"Le mouvement va s'accélérer"

Sans s'associer à la FNSEA, la Coordination rurale veut aussi se faire entendre. Le bouillonnant syndicat, qui s'est illustré par ses coups d'éclat médiatiques, déplore un "détricotage" par les députés de la proposition de loi Duplomb telle qu'adoptée par les sénateurs –un texte sénatorial qui, déjà, n'allait pas assez loin pour le syndicat jaune et noir. "C'est encore pire que ce qu'on avait auparavant", regrette Frédéric Pregeant, trésorier de la Coordination Rurale du Loir-et-Cher, qui évoque des actions locales devant les administrations ou des "opérations escargot".

"Nous n'avons pas encore de date fixée mais, de toute façon, le mouvement va s'accélérer", assure Frédéric Pregeant.

Parole dissonante, la Confédération paysanne monte, elle aussi, au créneau –à l'inverse des trois autres syndicats, l'organisation agroécologique espère faire barrage à la proposition de loi Duplomb. "Nous ne voulons pas laisser entendre que le monde agricole serait d'une seule voix pour l'abaissement des normes environnementales", observe l'un de ses porte-parole, Thomas Gibert. Les mesures avancées par la future loi Duplomb "ne concernent que quelques milliers de fermes", assure-t-il, et ne proposent "rien pour obtenir un revenu décent" dans le monde agricole.

"Nous n'allons pas bousiller la biodiversité uniquement parce que nous sommes en concurrence sur la scène internationale", avance Thomas Gibert, évoquant le cas des néonicotinoïdes.

La Confédération paysanne "va bouger" car "il faut qu'on se fasse entendre", confirme-t-il. Peu adepte des blocages dans ses modes opératoires habituels, le syndicat à la bannière orange évoque des actions locales encore indéfinies et des rencontres avec les parlementaires, au cœur de toute l'attention syndicale.

Jérémy Bruno Journaliste BFMTV