Le choc industriel du Covid se fait toujours sentir: plus de 5.000 avions manquent dans les flottes des compagnies aériennes et la situation n'est pas prête de se normaliser

Assommée par la pandémie du covid, l'industrie aéronautique mondiale n'est jamais parvenue à retrouver ses capacités de production initiales. Conséquence: alors que le trafic passager ne cesse de progresser, les compagnies aériennes peinent à recevoir les avions neufs qu'elles ont commandés en masse et doivent maintenir des appareils anciens, plus chers à entretenir et surtout plus polluants.
L'association internationale IATA a évalué ce manque. "Si les livraisons s'étaient poursuivies au rythme d'avant la pandémie, la flotte mondiale aurait été considérablement plus importante aujourd'hui. Sur la base des tendances historiques de livraison (taux de croissance moyen sur 2010-2018), l'industrie aurait anticipé la mise en service d'environ 16.004 nouveaux avions entre 2019 et 2026. Or, les livraisons cumulées sur cette période devraient se limiter à 10.720 appareils, soit un déficit d'environ 5.284 unités". Précisions qu'à date, les compagnies de la planète exploitent environ 30.000 aéronefs.

Des avions sans moteurs chez Airbus
"De nombreux fournisseurs ont réduit leurs effectifs ou quitté le marché, et la reprise des capacités de production a été lente en raison de la pénurie de main-d'œuvre, de l'inflation des coûts des intrants et de la disponibilité limitée de composants critiques, l'avionique et les métaux spéciaux", explique le lobby dans un document publié en août dernier.
Ce à quoi il faut ajouter des problèmes plus conjoncturels comme la chute de la production chez Boeing suite à des grèves, la pénurie de moteurs livrés à Airbus (avec des avions bel et bien fabriqués mais dénués de motorisation) et une surveillance accrue des régulateurs suite à des problèmes de qualité dans la production et divers accidents, essentiellement chez Boeing qui par exemple n'a livré que 384 appareils en 2024, le pire résultat depuis 2021.
"Ces problèmes ont retardé la montée en puissance de la production et contribué à un arriéré d'avions en attente d'inspection finale ou de révision. Par conséquent, le cycle de renouvellement de la flotte mondiale a été considérablement restreint, limitant la vitesse à laquelle les compagnies aériennes peuvent accroître leurs capacités et moderniser leurs opérations", regrette l'IATA.
"Il en résulte un marché structurellement plus tendu, où la disponibilité limitée des avions continue de freiner la croissance des capacités et de retarder le renouvellement de la flotte".
Vieillissement record de la flotte mondiale
On l'a dit, elles doivent actuellement maintenir nombre d'avions anciens. Selon l'IATA, "la rareté des appareils de remplacement a effectivement entravé le cycle naturel de retrait, ce qui a entraîné un vieillissement moyen de la flotte record dans l'histoire de l'aviation". Les appareils exploités ont 15 ans de moyenne d'âge contre 13 ans avant le ovid.
Mauvaise nouvelle pour les compagnies, ce déficit en avions neufs qui se creuse d'année en année ne semble pas pouvoir se résorber à court terme, obligeant les compagnies à composer et à voir leur rentabilité s'effriter.
"Malgré des signes d'amélioration de la chaîne d'approvisionnement et une certaine reprise des livraisons, la pénurie mondiale d'avions ne devrait pas se normaliser avant 2031-2034, compte tenu de l'ampleur du problème actuel. Si l'on considère le volume moyen des commandes de la dernière décennie, la normalisation n'interviendra pas avant 2034. Ce calendrier reflète non seulement le temps nécessaire pour compenser les livraisons perdues, mais aussi l'inertie des cycles de renouvellement de la flotte et la dépendance persistante à l'égard d'avions vieillissants", peut-on lire.

Exemple avec Airbus qui a livré 434 appareils depuis le début de l’année (à fin août), soit 3% de moins par rapport aux huit premiers mois de 2024 et dont l'objectif de livrer 820 avions en 2025 sera difficile à atteindre.
D'autant plus que le marché s'organise toujours et encore autour de deux fabricants. Comme le montre le graphique ci-dessus, Airbus et Boeing se partagent 79% du marché des avions commerciaux actuellement exploités. Les compagnies plaident pour l'émergence d'un troisième acteur. Il pourrait s'agir du brésilien Embraer qui détient 7% du marché mais qui ne fabrique pas d'appareils à long rayon d'action. Certains évoquent également sur la montée en puissance du chinois Comac mais ses appareils ne sont pas certifiés pour le ciel européen et américain.