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Aéronautique

Après le crash d'Air India et l'étrange circonstance qui a conduit à l'accident, le débat sur l'installation de caméras à bord des cockpits fait son retour

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Willie Walsh, directeur général de l‘Association du transport aérien international (IATA) estime qu'un tel dispositif permettrait d'obtenir une aide précieuse en cas d'accident. L'idée n'est pas nouvelle mais se heurte à une opposition en bloc des pilotes.

L'histoire de l'aéronautique est jalonnée d'accidents graves qui ont souvent donné lieu à des évolutions dans les aéronefs. On peut citer les hublots aux angles arrondis, les enregistreurs de vols (boîtes noires) ou encore les portes d'accès au cockpit sécurisées.

Le crash du Boeing d'Air India (260 morts) ouvre à nouveau le débat de la présence de caméras dans les cockpits afin de surveiller les actions des pilotes. En effet, le rapport préliminaire des autorités du pays stipule que les commutateurs d'alimentation des moteurs en essence avaient été passés en mode OFF (fermés) juste après le décollage. Or, il faut trois actions manuelles pour mener à bien cette opération, ce qui exclut la thèse d'un déverrouillage accidentel.

Evidemment, une "boîte noire vidéo" permettrait de valider ou d'invalider la thèse d'un acte intentionnel d'un des pilotes. Willie Walsh, directeur général de l‘Association du transport aérien international (IATA) estime donc qu'il y a "de sérieux arguments" pour que la réglementation oblige les compagnies aériennes à installer des caméras dans les cockpits.

"Au vu du peu que nous savons actuellement, il est fort possible qu’un enregistrement vidéo, en plus de l’enregistrement vocal, soit d’une aide précieuse pour les enquêteurs", indique-t-il dans une interview accordée aux médias singapouriens à propos du crash du vol AI171 d’Air India.

"Sérieux arguments"

"A titre personnel, je pense qu’il existe un fort argument en faveur de l’inclusion de la vidéo dans le cockpit pour aider aux enquêtes sur les accidents".

L'idée n'est pas nouvelle. Déjà en 2000, Jim Hall, président du National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis, a exhorté la Federal Aviation Administration (FAA) à exiger que les avions de ligne soient équipés d'enregistreurs vidéo après le crash du vol 990 d'Egyptair qui aurait été un acte délibéré.

Les constructeurs, Boeing et Airbus, développent même des technologies embarquées capables de transmettre plus de données et d'images en temps réel.

Mais cette proposition se heurte à une opposition historique et en bloc des pilotes et de leurs syndicats, mettant en avant des questions sur la confidentialité et les abus potentiels de surveillance. Il faut dire que selon les spécialistes du secteur, les pilotes prennent parfois quelques libertés avec le règlement, en faisant entrer des passagers dans le cockpit, en fumant...

"Entre vie privée et sécurité, la balance penche sans équivoque en faveur de la sécurité", indique à Reuters John Nance, expert en sécurité aérienne et ancien pilote de ligne. "Protéger les passagers est une obligation sacrée".

Questions sur la confidentialité et les abus potentiels

"S’il y a une garantie de non-récupération des données, en dehors des accidents, c’est une solution qui pourrait être acceptée par les syndicats", indique à Ouest-France, Xavier Tytelman, consultant en aéronautique.

Pour autant, les syndicats de pilotes restent toujours aussi sceptiques, tout comme les compagnies: installer ces dispositifs exige d'importantes modifications dans les avions, ce qui exige leur immobilisation et donc des coûts très importants.

Reste que la présence de caméras à bord a déjà démontré sa pertinence, notamment dans le cas d'accidents graves d'hélicoptères.

En 2023 en Australie, un Robinson R66 se désintègre en vol, tuant le pilote, seule personne à bord. Selon le rapport final du Bureau australien de la sécurité des transports qui s'appuie sur les images captées depuis le poste de pilotage, "le pilote était occupé à des tâches non liées au vol pendant une grande partie de cette période, notamment l'utilisation de son téléphone portable et la consommation de nourriture et de boissons". Sans cette caméra, le mystère serait sûrement resté entier.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business