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Aéronautique

Après avoir enfoncé Boeing avec ses précédents droits de douane, Trump ne devrait pas cette fois toucher à l'aéronautique

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Lors de son premier mandat, le président républicain avait imposé des droits de douane sur les livraisons d'Airbus mais cette décision avait au final largement nui au champion américain Boeing.

Oui pour l'automobile mais non pour l'aéronautique. Donald Trump a vraisemblablement tranché en ce sens à l'approche du "Liberation Day" ("journée de la Libération") comme il a surnommé le mercredi 2 avril. Dans les toutes prochaines heures, le président américain devrait confirmer une hausse de 25% des droits de douanes sur les importations de voitures fabriquées en dehors des Etats-Unis. En revanche, le nouveau locataire de la Maison Blanche ne devrait pas reproduire la même erreur que lors de son premier mandat au cours duquel il avait notamment imposé des droits de douane à hauteur de 10 puis 15% à l'encontre des livraisons d'Airbus sur le sol américain.

Lors de son premier passage à la Maison Blanche, Trump avait imposé des droits de douane sur une série de produits européens en représailles au différend commercial opposant Washington et Bruxelles quant à leurs subventions respectives envers leur constructeur aérien local, Boeing et Airbus. Au moment de cette décision quelques mois avant la pandémie de Covid, Donald Trump souhaitait également protéger Boeing dont la réputation était entachée par les deux accidents de 737 Max en octobre 2018 et mars 2019 qui avaient fait 346 morts au total. Mais Bruxelles avait répliqué en appliquant les mêmes taux sur les Boeing vendus en Europe en retour.

Perte de la clientèle chinoise et de Ryanair pour Boeing

Sur l'année 2019, le champion européen anticipait ainsi le versement de quelque 190 millions de dollars de droits de douane mais Washington n'a finalement perçu que 22,1 millions de dollars selon Leeham News and Analysis. La faute notamment à une exemption accordée aux A320 assemblés dans l'Etat de l'Alabama et à des subitilités juridiques. Pire, d'importantes compagnies aériennes américaines comme Delta Airlines et United Airlines ont passé d'importantes commandes auprès d'Airbus lequel a profité de l'arrêt des livraisons de 737 Max pour devenir le premier fabricant de monocouloirs outre-Atlantique.

Dans le même temps, Boeing a été confronté au refus de son premier client européen, Ryanair, de se soumettre aux mesures de rétorsion. L'avionneur américain a surtout subi la décision des compagnies chinoises de lui tourner le dos en réponse aux hausses massives des droits de douane sur les exportations chinoises alors que ces compagnies achetaient un quart de sa production. Ce n'est que l'année dernière que les compagnies chinoises ont repris leurs commandes de Boeing.

Entre-temps, Joe Biden s'est empressé de supprimer les droits de douane de son prédecesseur sur les importations aéronautiques et les compagnies européennes ne payent aucun droit de douane sur les Boeing immatriculés en Europe qu'elles achètent. Idem pour les compagnies aériennes qui importent des Airbus aux Etats-Unis.

Airbus a supplanté Boeing en 2024

Mais le champion européen a largement profité de ces dernières années pour distancer son concurrent américain. Malgré une année "éprouvante" marquée par les perturbations de la chaîne d'approvisionnement, Airbus s'est ainsi affiché en 2024 en bien meilleure forme que Boeing. Le géant européen a vu son bénéfice net bondir de 12% à 4,2 milliards d'euros l'an dernier grâce à la forte demande pour les avions, une performance proche de celle, record, de 2022, tandis que son chiffre d'affaires a progressé de 6%, à 69,2 milliards d'euros. Ses commandes nettes se sont élevées à 826 avions contre 2.094 en 2023, portant le carnet de commandes à 8.658 avions commerciaux fin 2024.

De son côté, l'avionneur américain a enregistré une perte nette de 11,82 milliards de dollars, sa plus importante depuis 2020, quand le groupe subissait les conséquences de deux crashes du 737 MAX et la chute du trafic aérien liée à la pandémie. Boeing n'a livré que 348 avions en 2024, au plus bas depuis 2021. L'an dernier, deux tiers des avions qui ont été vendus dans le monde était ceux d'Airbus alors que les deux géants se partageaient jusqu'à présent le marché à peu près à 50/50.

L'avionneur américain plutôt serein vis-à-vis des droits de douane

Il y a deux semaines, le constructeur aéronautique américain s'est dit peu exposé à l'instauration de tarifs douaniers par le président américain Donald Trump en ce qui concerne les coûts précisant que ses approvisionnements provenaient majoritairement des Etats-Unis. Boeing s'inquiéte davantage de l'impact sur la disponibilité des pièces détachées.

"Pour 80% des dépenses de la branche commerciale et pour 90% de la branche défense, notre chaîne d'approvisionnement est basée aux Etats-Unis", a indiqué Brian West, directeur financier de l'avionneur, lors d'une conférence.

"Presque tout l'aluminium et l'acier que nous achetons provient des Etats-Unis et, ensemble, ils représentent un à deux pourcents du coût d'un avion", a-t-il détaillé.

"Donc nous pensons que nous gérons bien cet aspect", a-t-il ajouté.

"Mais nous nous inquiétons au sujet de la disponibilité des pièces détachées, car il s'agit d'une chaîne d'approvisionnement vaste et compliquée, avec différents niveaux d'exposition."

"Sur le court terme, nous ne nous inquiétons pas au niveau commercial", a-t-il assuré, soulignant que le groupe disposait de "beaucoup de stock" acheté avant l'instauration de droits de douane.
Timothée Talbi avec AFP