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Airbus prêt à renforcer ses liens avec la Pologne

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Le groupe propose un approfondissement de son partenariat industriel civil et militaire avec Varsovie. Il réclame avant tout des prises de commandes.

Airbus reprend son rôle historique de socle industriel de l’intégration européenne. Jeudi dernier, Emmanuel Macron s’est entretenu au téléphone avec le Premier ministre polonais Donald Tusk. Les deux dirigeants finalisent "la préparation du traité bilatéral entre la Pologne et la France dans les domaines stratégiques la défense, l'énergie, le nucléaire…", a déclaré le président de la République sur X.

"Ce traité va sceller des liens encore plus forts entre nos deux pays."

Le contexte géopolitique pousse la Pologne à s’intégrer davantage dans l’Union européenne. Son armée est très dépendante des États-Unis. Airbus a une carte à jouer pour être le pivot de cette coopération renforcée, l'avait fait EADS, en 2000, autour de la France, de l’Allemagne, de l’Espagne et de la Grande-Bretagne.

Le groupe aéronautique, qui tient ce mardi 15 avril son assemblée générale à Amsterdam, est prêt à jouer ce rôle central. "Nous sommes prêts à intensifier ce partenariat avec la Pologne qui manifeste son désir de se rapprocher de l’Europe, explique la direction d’Airbus à BFM Business. Nous sommes à un moment important pour qu’il passe à une dimension à plus grande échelle."

Une intégration en douceur

Le directeur général du groupe, Guillaume Faury, était en Pologne il y a deux semaines pour discuter de potentielles commandes. D’abord dans le civil avec la compagnie nationale LOT, à qui Airbus propose 80 avions A220 pour une somme qui pourrait avoisiner 4 milliards d’euros. En contrepartie, le groupe pourrait intégrer davantage de fournisseurs polonais dans sa chaîne de production afin d’accompagner sa montée en cadence. Airbus s’est engagé à produire 75 avions par mois à horizon 2027 contre 60 actuellement.

Le groupe ouvre aussi la porte à des embauches en Pologne alors qu’il n’y emploie que 800 salariés sur quatre sites.

"Nous pourrions également installer un hub d’activités stratégiques dans le digital et la cyber", ajoute un porte-parole d’Airbus.

Son site de Gdansk, qui opère dans les systèmes de navigation, pourrait l’accueillir. Difficile d’aller plus loin, jusqu’à installer une ligne de production en Pologne alors que le groupe va fermer sa chaine d'assemblage de l’A400M à Séville, selon La Tribune.

L’enjeu militaire est d’ailleurs central compte tenu du changement de pied des États-Unis en Ukraine. Cliente de longue date de Boeing, l’armée polonaise discute avec Airbus d’achats d’avions de transports A400M, de ravitailleurs et de 30 hélicoptères. "Les discussions sont bien engagées", assure l’entourage de Guillaume Faury qui rappelle que la Pologne vient de signer avec Airbus un contrat de système de satellites pour le renseignement. Ces commandes militaires seront au cœur de la prochaine rencontre entre Emmanuel Macron et Donald Tusk, d’ici l’été à Nancy, pour entériner cet accord stratégique.

Pas d’entrée au capital

Reste un seul sujet épineux: l’entrée de l’État polonais au capital d’Airbus. Fin février, Le Monde rapportait que le Premier ministre Donald Tusk souhaitait devenir un état actionnaire, au même titre que la France (10,9 %), l’Allemagne (10,9 %) et l’Espagne (4,1 %). Une intention démentie 10 jours plus tard le ministre polonais des Finances.

La France demande des commandes avant d’envisager cette option. Airbus ne souhaite pas commenter cette question sensible qui revient aux États. Selon nos informations, Bercy n’y est pas opposé même si le sujet n’est pas d’actualité. Cette perspective ravive de vieilles craintes.

"Airbus est aujourd’hui une entreprise privée qui s’est éloignée de l’interventionnisme des États, rappelle une source proche du groupe. Ce n’est pas pour revenir dix ans en arrière!"

Les États n’ont plus de représentants au conseil d’administration d'Airbus depuis 2013. En tant qu’actionnaires, ils valident la nomination d’administrateurs sans toutefois officiellement les proposer. Par le passé, la Grande-Bretagne avait aussi manifesté son souhait d’entrer au capital d’Airbus et l’Espagne d’accroître sa part au même niveau que la France et l’Allemagne. Les statuts de l’entreprise limitent à 28% les participations cumulées des États, qui détiennent déjà près de 26%. Il ne reste plus de place pour la Pologne.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business