Souvent sursollicités au travail, pourquoi les cadres et les managers cachent-ils leurs problèmes de santé mentale?

Et si les cadres entretenaient une relation spéciale avec leur travail? Une relation passionnelle, mais parfois aussi toxique. Une large majorité d'entre eux (83%) considèrent qu’il est important de se dépasser dans son travail (89% pour les managers et 77% pour les non-managers), selon une étude publiée jeudi 9 octobre par l'Apec (Association pour l'emploi des cadres). "Cela constitue un véritable marqueur identitaire des cadres (à la fois auto-assigné et assigné par les autres)", écrit l'Apec dans cette étude publiée à l'occasion de la journée mondiale de la santé mentale.
"Or, selon les expert.es, la frontière entre dépassement de soi et épuisement est particulièrement mince."
Chez ceux qui exercent une fonction managériale, ce phénomène est exacerbé. Une partie d’entre eux considère que la surcharge de travail et le stress vont de pair avec leur activité. Ils ont également tendance à ne pas s’en plaindre pour donner une image exemplaire à leur équipe. Au point de ne pas demander de l'aide quand ils en ont besoin.
"J’ai essayé de pousser au maximum mes capacités"
"Quand ils m’ont demandé de m’arrêter, je n’ai pas réussi à le faire tout de suite. Je pense qu’un manager doit donner l’exemple comme je l’ai toujours fait. J’ai donc essayé de pousser au maximum mes capacités mais ce n’était pas la bonne voie…", témoigne une directrice d'agence interrogée par l'Apec.
Une partie des cadres préfèrent ainsi garder le silence sur leurs difficultés en matière de santé mentale par peur de freiner leur évolution professionnelle (39% des managers et 32% des non-managers souffrant d’un problème occasionnel de santé mentale) ou d’être vus comme quelqu’un de non fiable (36% des cadres).
"Pour les cadres, exprimer sa vulnérabilité peut leur paraître incompatible avec leur rôle et statut", écrit l'Apec.
Stress intense, anxiété, irritabilité, déprime...
Pourtant, ils ne sont pas épargnés par les problèmes de santé mentale. 41% des cadres déclarent travailler souvent sous pression (vs 24% des non-cadres). Ils sont également sursollicités sur plusieurs aspects. D'abord par les différents canaux de communication qu'ils doivent surveiller. Ensuite par leur amplitude horaire et leur surconnexion (souvent le week-end) et leur difficulté à déconnecter. Conséquence, un tiers d’entre eux déclarent des troubles fréquents (stress intense, anxiété, irritabilité, déprime, épuisement professionnel), avec une vulnérabilité accrue chez les femmes et les jeunes cadres.
Pour les cadres exerçant une fonction managériale, le constat est encore plus inquiétant. Ils sont censés être à l'écoute des problèmes de leur équipe, mais leur santé mentale est elle-même dégradée. Pour expliquer cette situation, l'Apec cite notamment le cumul des rôles attribués aux managers (produire, contrôler, animer, gérer des conflits, fédérer, veiller à la santé mentale de leur équipe, etc.) qui entraîne des situations fréquentes de surcharge. Ces multiples casquettes les exposent encore plus que les autres cadres à des risques d’épuisement et de santé mentale dégradée. 58% des managers disent ainsi ressentir un sentiment de stress intense dans leur travail (contre 52% des cadres non-managers).
*L'étude comprend plusieurs volets. Un volet qualitatif mené en mai 2025 par l’institut d’étude Verian avec des entretiens individuels auprès de 30 managers confrontés à des problèmes de santé mentale (pour eux-mêmes ou par leurs équipes). Un volet quantitatif mené en juin 2025 par l’Apec avec une enquête en ligne auprès d’un échantillon de 2.000 cadres salariés du secteur privé (dont une moitié de managers), représentatif en matière de sexe, d’âge, de secteur d’activité, de taille d’entreprise et de région. Des interviews d’experts ont également été menées entre avril et juillet 2025 par l’Apec (psychologues du travail, directeur général d’entreprise spécialisée, enseignant-chercheur spécialisé).