Trop de travail, faible gratification: pourquoi les salariés français veulent beaucoup moins devenir "chef" que dans les autres pays

Les managers, une nouvelle denrée rare en France? Selon le baromètre 2025* publié par l’organisme de formation Cegos en juin, les salariés français ont moins d'appétence pour les positions managériales que dans les autres pays.
Selon l'étude, en France, 56% des collaborateurs identifiés par les responsables des ressources humaines interrogés ne souhaitent pas accéder à un poste à responsabilités. Contre 36% en moyenne dans les autres pays étudiés*, un écart significatif.
Et ce n'est pas la première fois que le phénomène est pointé du doigt. Une étude de l'Apec en 2023 suggère que l'idée de monter en grade fait de moins en moins rêver les jeunes. En effet, si 56% des cadres de moins de 35 ans souhaitent devenir manager, ce chiffre est un recul de 7 points en un an.
Les managers français travaillent toujours plus
Mais alors pourquoi un tel manque d'appétence en France pour l'exercice de fonctions manageriales et d'encadrement?
S'ils se disent globalement satisfaits, les primo-managers français font plus souvent face à une surcharge de travail et à un déséquilibre.
Ainsi 77% d'entre eux déclarent que leur temps de travail augmente régulièrement, un niveau supérieur à la moyenne mondiale (67%). Compte tenu de cette hausse du temps passé au bureau, le salaire horaire de ces nouveaux managers peut aussi apparaître moins intéressant.
"L'augmentation continue de la charge de travail constitue un indicateur préoccupant: elle affecte directement la disponibilité physique, mentale et émotionnelle des managers", analyse Laurence Ballereaud, directrice de projets formation chez Cegos.
"Dès lors, une vigilance accrue s'impose pour prévenir les risques de saturation", poursuit-elle.
Cette situation est aggravée par une difficulté persistante à préserver l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle. En France, 19% des primo-managers ne sont pas satisfaits de cet équilibre, contre 15% au niveau mondial.
Un management à la française très vertical
Les explications sont aussi à chercher du côté de la culture managériale. Selon un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), le management à la française se caractérise par des pratiques "très verticales et hiérarchiques" et une reconnaissance du travail "beaucoup plus faible" que dans les autres pays. Par ailleurs, la formation des managers est "très académique", poursuit le rapport, pointant des résultats "médiocres" dans le domaine du management.
Selon l'étude de Cegos, les nouveaux managers français sont un peu moins nombreux que leurs collègues d'autres pays à avoir été formés avant leur prise de poste (48% contre 56% pour la moyenne des pays). En revanche, ils bénéficient plus souvent de formations après avoir accédé à leur fonction (51% contre 41%).
Pourquoi les RH se trompent sur ce qui motive les managers
Enfin, "faire carrière" et grimper dans la hiérarchie apparaît désormais moins comme un objectif en soi pour les nouveaux managers. Ils ne sont que 28% à citer cette motivation, tandis que 44% des RH estiment qu'ils sont motivés par la progression dans la hiérarchie (soit +16 points par rapport à la perception réelle des intéressés).
En réalité, les managers sont plus pragmatiques: interrogés sur leur motivation, ils invoquent à égalité le fait de bénéficier d’une meilleure rémunération (37%) et de résoudre des problèmes ou apporter des solutions opérationnelles au quotidien (37% également).
"Si l'enjeu salarial demeure un facteur d'attractivité non négligeable, ils souhaitent avant tout pouvoir agir concrètement sur les leviers de performance, apporter des solutions et avoir un impact opérationnel", explique Laurence Ballereaud.
À l'inverse, les RH sous-estiment l’importance de ces enjeux opérationnels: seuls 23 % d’entre eux pensent que la résolution des problèmes quotidiens motive les primo-managers, alors qu’elle arrive en tête pour ces derniers.
Pour réussir à convaincre les salariés de sauter le pas et de monter en grade, il apparaît primordial que les RH entame un dialogue afin de mieux comprendre leurs aspirations et motivations.
Néanmoins, in fine, les RH français ne semblent pas avoir plus de difficultés qu'ailleurs à trouver des candidats (42 % à l’international, 40 % en France déclarent rencontrer des difficultés pour recruter ou identifier les primo-managers).
*Cette enquête a été conduite en mars 2025 auprès de 4.271 primo-managers (dont 427 en France) et 441 Directeurs ou Responsables RH / formation (dont 44 en France), dans 10 pays d'Europe (France, Allemagne, Italie, Espagne, Portugal, Royaume-Uni), d'Amérique latine (Brésil, Mexique, Chili) et d'Asie (Singapour). Tous les répondants travaillent dans des organisations publiques ou privées de plus de 50 collaborateurs.