Encourager l'emploi des seniors: le monde du travail cherche des solutions

Les objectifs gouvernementaux sont ambitieux. Améliorer l'emploi des 60-64 ans et le faire passer de 38% à 65% en 2030, soit 27 points de plus qu'actuellement. Une hausse significative à réaliser en seulement 6 ans. Même si la progression de l'emploi des seniors est avérée, la France reste en dessous de la moyenne européenne avec 61,7% de taux d'emploi pour les 55-64 ans.
Comment encourager le travail des seniors au-delà du simple décalage de l'âge butoir qui peut aussi être source d'inactivité? En avril, les négociations paritaires sur l'assurance-chômage avaient été prolongées pour travailler sur cette question. Un contrat de valorisation de l'expérience, variante du CDI senior, avait été étudié. En mai, le gouvernement a repris la main et présentait les grandes lignes de sa réforme, dont la possibilité d'un bonus salarial aux seniors reprenant un emploi moins bien payé. La réforme depuis la dissolution a été suspendue.
Mais faut-il tout attendre d'un cadre réglementaire gouvernemental? Entreprises et acteurs engagés prennent le devant.
"Ni l' État, ni les entreprises ne proposent de solutions", dénonce Tong Chhor, fondateur de Seniors Force plus.
Cette association, fondée par des bénévoles, a mis au point un système de scoring pour évaluer les efforts des entreprises. Tong Chhor, bénévole engagé, raconte: "je suis depuis toujours impliqué pour l'égalité des chances. Le sujet de l'emploi des seniors a commencé à émerger avec la question du décalage du départ à la retraite".
Une prise de conscience depuis la réforme des retraites
Un constat partagé par Valérie Gruau, fondatrice de "Seniors à votre service", qui relève que c'est lors de la réforme des retraites que "la prise de conscience a été la plus importante. Et depuis 18 mois c'est aussi la question du maintien des seniors dans l'emploi et de leur évolution dans l'entreprise qui se pose."
En 2008, précurseuse, elle lance la plateforme "Seniors à votre service". Initialement conçue comme un site de mise en relation des retraités avec des particuliers, la plateforme a ensuite été élargie aux seniors actifs, dès 50 ans. Axée sur les services à la personne (aide à domicile, auxiliaire de vie, ménage), "ce qui conduisait les seniors à exercer des métiers parfois très différents de leur vie d'avant", elle s'est progressivement ouverte aux entreprises.
Evaluer les efforts des entreprises et proposer des solutions
Plusieurs années après, la fondatrice observe que "les lignes bougent". De plus en plus d'entreprises font désormais appel à la plateforme pour recruter, même si les particuliers constituent toujours le vivier le plus important. Le site propose désormais CDI, CDD, offres en indépendance et compte 400.000 profils, dont 250.000 candidats.
Seniors Force Plus, né en 2023, a un autre angle d'attaque: l'évaluation des actions engagées par les entreprises.
"On a besoin de gens qui travaillent davantage, or on observe que dès 50 ans, les entreprises se séparent de leur personnel, ne les recrutent plus, renoncent à les former", déplore Tong Chhor.
Plusieurs items sont ainsi notés par le "Senior Score", l'outil mis au point par la fédération. La communication, la politique de l'emploi, la formation, la politique de recrutement, la gouvernance, etc. "Notre modèle a d'abord été testé sur les données financières et extra financières des entreprises cotées au CAC 40", explique Tong Chhor. Il est désormais destiné aussi bien aux TPE-PME qu'à la direction, aux syndicats et au CSE. A la suite du "scoring", la fédération propose aussi un éventail de solutions à mettre en place, sous la forme d'une centaine de mesures.
Salaires trop élevées, guerre générationnelle....les freins existent
Malgré les initiatives, les deux fondateurs engagés le reconnaissent, des blocages persistent.
Passé un certain âge, les seniors sont très peu formés, "à peine un tiers des plus de 45 ans bénéficient d'une formation", relève Valérie Gruau. Une étude réalisée par la plateforme en partenariat avec l'Institut Français des seniors montre aussi que trois quarts des demandeurs d'emploi de plus de 50 ans font état d'une discrimination liée à l'âge.
Et la question du salaire à l'embauche demeure le noeud du problème.
"Il y a un préjugé infondé qui voudrait que le senior sera plus cher et plus difficile à manager. Alors qu'il va être efficace tout de suite et autonome, ce qui améliore nettement le ratio coût-efficacité", souligne encore la dirigeante.
Selon le fondateur de Seniors Force Plus, il faut chercher le compromis. "Les salariés doivent accepter de perdre un peu de salaire, et les entreprises de davantage rémunérer l'expertise. Il y a effectivement des efforts à faire des deux côtés."
Tous plaident pour la dimension intergénérationnelle. "En faisant travailler davantage les gens ensemble, on s'aperçoit que cela fonctionne", concluent-ils avec des mots différents, mais une intention identique.