Corée du Sud: vers une durée maximale de la semaine de travail à 69 heures?

Quand en Europe et en Amérique du nord, le débat autour de la semaine de 4 jours commence à prendre de l'ampleur, en Corée du sud, on envisage au contraire d'augmenter sensiblement la durée hebdomadaire légale du travail.
On savait depuis longtemps déjà que le rapport au travail dans ce pays (mais aussi au Japon, à Singapour) est très différent que celui que nous vivons en Europe mais cette décision du gouvernement coréen va clairement à contre-courant de la tendance actuelle, notamment post-covid.
Ainsi, selon le KoreaTimes, le gouvernement souhaite permettre de rehausser la durée maximale hebdomadaire de travail à 69 heures - contre 52 aujourd'hui avec les heures supplémentaires. En France, cette durée est de 48 heures (35 heures de durée légale plus les heures supplémentaires). En réalité, il s'agit de mieux moduler le temps de travail dans le pays.
Modularité au choix de l'entreprise
Les salariés sud-coréens peuvent depuis 2018 faire jusqu'à 12 heures d'heures supplémentaires par semaine (et atteindre ce plafond de 52 heures, soit 40 heures légales+ 12 heures), un seuil fixé pour empêcher les abus de travail en Corée. Selon l'OCDE, 18% des Coréens travaillaient en 2021 plus de 50 heures par semaine.
Mais avec une activité économique très forte actuellement et des pénuries de travailleurs dans de nombreux secteurs, l'exécutif souhaite permettre aux entreprises de mieux s'adapter à la demande. Compte tenu de ces besoins, la limite à 52 heures serait "irréaliste" pour le président Yoon Suk-yeol.
Avec un nouveau plafond maximal de 29 heures supplémentaires par semaine, la durée de travail pourra donc mathématiquement atteindre 69 heures par semaine (40 heures légales + 29 heures supplémentaires).
En contrepartie, les salariés pourront prendre plus de congés durant les périodes où l'activité est plus faible. Concrètement, en période creuse ou en basse saison, les nouvelles heures supplémentaires pourront être converties en congés non payés, nous informe le Centre Culturel Coréen (les salariés ont droit à 15 à 25 jours de congés payés par an en fonction de son ancienneté dans l'entreprise).
Une modulation présentée de cette façon par un membre du gouvernement: "si vous travaillez dans des usines de crème glacée par exemple, vous pouvez faire des heures supplémentaires de façon saisonnière, puis économiser les heures de travail et les utiliser plus tard pour partir en vacances plus longtemps".
Ainsi, chaque entreprise pourrait proposer cette modulation en fonction de la demande, de la saison "en conformité avec les caractéristiques de chaque industrie et entreprise", souligne le gouvernement.
Faire des enfants
Outre la santé mentale des salariés, le gouvernement souhaite à travers cette modulation des heures supplémentaires permettre aux Coréens de faire des enfants. Pour rappel, le taux de natalité dans le pays est le plus faible du monde: 0,7 enfant par femme. Un chiffre qui inquiète au plus haut point puisque le nombre d'actifs a vocation à baisser dans les prochaines années. La Corée du Sud a ainsi enregistré pour la première fois en 2020 une baisse de sa population, avec plus de décès que de naissances.
Evidemment, cette perspective de réforme du temps de travail satisfait le patronat, moins les syndicats. La Confédération coréenne des syndicats militants estime que ces propositions sont une "révision rétrograde de la loi qui laissera la décision sur les salaires et les heures de travail aux employeurs.
Mais la réforme se fera. "Les réformes du marché du travail vont commencer sérieusement", a ainsi déclaré le ministre de l'Emploi et du Travail, Lee Jung-sik, dans un message sur Facebook. "Les nouveaux systèmes d'heures de travail et de salaires détaillés dans les propositions politiques de l'association de recherche seront légiférés dès que possible."