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A partir d'aujourd'hui, les femmes travaillent "gratuitement": que faire en cas d'inégalité salariale flagrante?

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En entreprise, comment réagir lorsque que l'on est moins bien payée qu'un collègue masculin pour le même poste? Quels sont les moyens d'actions? Une avocate en droit du travail répond à ces questions.

À partir de ce vendredi à 16h48, les femmes travaillent "bénévolement". Si elles étaient payées autant que les hommes, elles pourraient s’arrêter de travailler aujourd'hui selon l'association Les Glorieuses.

Pour parvenir à cette date, l'association prend en compte l’inégalité des salaires calculée par Eurostat et le rapporte au nombre de jours ouvrés dans l'année.

Bien qu'elles tendent à se réduire au fil des ans, les inégalités salariales entre hommes et femmes persistent. Selon les derniers chiffres de l'Insee, en 2022, la rémunération des femmes est en moyenne inférieure de 23,5% à celle des hommes. A peine mieux qu'aux débuts des années 2000 quand cet écart était de 34%.

En entreprise, comment réagir lorsque que l'on est moins bien payée qu'un collègue masculin pour le même poste? Quels sont les moyens d'actions?

Réunir des éléments

"Une salariée qui serait victime de discrimination peut bien entendu tenter dans un premier temps une approche amiable avec son employeur, mais en cas d’échec, elle devra nécessairement se tourner vers les Ttribunaux. Il faut donc de la détermination pour faire valoir ses droits", prévient Marion Kahn-Guerra, avocate spécialisée en droit du Travail au sein du cabinet Desfilis.

Mais avant de saisir la justice, encore faut-il avoir des éléments. "L’article L.1134-1 du Code du Travail dispose qu’il appartient au salarié qui s’estime victime de discrimination de présenter "des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte"", poursuit-elle.

"Bien entendu, la principale difficulté à laquelle vont se heurter les victimes de discrimination sera de rapporter ces fameux éléments de faits, notamment en matière d’égalité salariale", poursuit la spécialiste.

Il y a pourtant l’index égalité hommes-femmes obligatoire désormais dans les entreprises de plus de plus de 50 salariés ou le bilan social "mais ils ne donnent qu’une photographie générale de la situation de l’entreprise et ne détaillent pas les cas particuliers", rappelle Marion Kahn-Guerra.

S'appuyer sur des outils légaux

C'est pour cela que la loi et la Cour de cassation ont mis à disposition des salariés qui s’estiment victimes de discrimination des outils afin de leur permettre "d’accéder à cette preuve et de rendre l’exercice de ce droit effectif", explique l'avocate.

Exemple avec les fiches de paie qui permettent véritablement de faire une comparaison salariale à poste égal. S'il est toujours très délicat de demander d'obtenir la fiche de paie d'un de ses collègues au même poste pour obtenir une preuve d'inégalité salariale, il faut savoir que la jurisprudence l'y autorise.

"C'est très important, la salariée est en droit de demander la communication de fiches de paie non anonymisées de ses collègues masculins de même niveau afin que la comparaison puisse être effective. La Cour de cassation, dans plusieurs arrêts, a rappelé de façon constante que "le droit de la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle, à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi "", explique la spécialiste.

Saisir les Prud'hommes

Autre solution, saisir les Prud'hommes en référé afin de faire ordonner la communication de pièces constituant une discrimination salariale avant même la tenue d'un procès.

"Une salariée qui soupçonnerait une inégalité de traitement avec ses collègues masculins pourrait ainsi saisir le Conseil de prud’hommes en référé sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile qui prévoit que "s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé"", poursuit Marion Kahn-Guerra.

Une salariée "pourrait également saisir le Conseil de Prud’hommes directement d’une action au fond sur la base du dernier alinéa de l’article L. 1134-1 du Code du Travail qui permet au juge d’ordonner "en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles", de même qu’au stade de la conciliation devant le conseil de prud’hommes", ajoute l'avocate.

Réparation, dommages et intérêts

Une fois démontrée, la discrimination salariale peut coûter cher à l'entreprise. "Les juges devront réparer l’entier préjudice subi par l’octroi de dommages et intérêts qui seront donc calculés sur la base du manque à gagner de la salariée", souligne Marion Kahn-Guerra.

Attention néanmoins, le délai pour mener une action en réparation de ce type de préjudice est de 5 ans à compter de la révélation de cette discrimination (article L.1134-5 du Code du travail).

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business