EDITO. Un budget antiéconomique et schizophrène

Sera-t-on à 5% de déficit l’année prochaine comme le prévoit le projet de loi de finances ? J’aurai plutôt tendance à dire non, pour trois raisons assez simples. D’abord, un rapide coup d’œil dans le rétroviseur montre de manière éclatante qu’on n’a jamais tenu nos objectifs de rétablissement des comptes publics. On fait toujours pire que prévu.
Ensuite, parce que l’objectif n’a jamais été aussi ambitieux. Réduire de plus d’un point de PIB le déficit en douze mois avec une croissance molle, ça n’est jamais arrivé. La troisième raison, c’est le contexte politique. Non seulement le gouvernement n’a pas de majorité à l’Assemblée, mais les partis-même de la coalition ne sont pas d’accord entre eux sur la voie du redressement à adopter. On n'arrivait pas à tenir le déficit avec une majorité absolue, alors imaginez aujourd’hui.
Mais les mesures - deux tiers d’économies, un tiers de hausse d’impôts - sont-elles crédibles ou pas ?
Sur les dépenses, on attend de voir, car jamais projet de loi de finances n’a aussi peu été documenté. Le Haut conseil aux finances publiques lui-même déplore des informations "lacunaires" qui ne lui permettent pas d’apprécier la trajectoire qui lui est présentée. En clair, on avance dans le flou. Ce n’est jamais bon signe.
Par ailleurs, la crainte majeure, c’est de voir ressortir de sa boîte cette funeste passion française pour l'impôt ; qui loin de remplir les caisses causera surtout beaucoup de mal à l'activité pour, j'en prends le pari, peu de recettes au final. Car c'est un budget à bien des égards antiéconomiques que nous avons là. Antiéconomique et même schizophrène.
Il repose en effet sur deux moteurs : la relance de la consommation grâce à la baisse du taux d’épargne et la poursuite de la hausse de la masse salariale censée rapporter des milliards de recettes fiscales et sociales. Mais comment croire que le taux d’épargne va baisser avec le retour des hausses d’impôts ? Et qui peut croire que les emplois vont progresser en taxant davantage les bas salaires et l'apprentissage ? Sur ces deux points, le Haut conseil aux finances publiques émet d'ailleurs de sérieux doutes.
En même temps, comment en vouloir à un gouvernement qui a eu quinze jours pour rédiger une copie forcément incomplète face à ce qui est le plus grand challenge financier de la Vème République. La désorganisation au sommet de l'Etat que nous subissons depuis un an maintenant rend ce budget forcément inefficace.