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ÉDITO. Un an après la dissolution, la France à l’arrêt

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Le 9 juin 2024, Emmanuel Macron annonçait, à la surprise générale, la dissolution de l’Assemblée nationale après la déroute de la majorité présidentielle aux élections européennes. Un an plus tard, quel bilan tirer de ce séisme institutionnel?

Quelques secousses économiques au début, puis la grande panne. Une France à l’arrêt. Dans le sillage de la dissolution, le CAC 40 avait décroché de 3% en une semaine. Les niveaux de volatilité ont atteint un record inédit depuis le krach d’octobre 1987. Les taux français se sont tendus.

Il faut dire que, pendant quelques jours, certains scénarios faisaient craindre une cohabitation à gauche. Huguette Bello, présidente communiste de la région Réunion, puis la haute fonctionnaire Lucie Castets ont même été évoquées à Matignon. Un scénario qui a renforcé la fébrilité ambiante.

Finalement, le pire n’a pas eu lieu. Certes, l’investissement a reculé de 1,6% en 2024 (contre +3,1% en 2023), l’emploi donne des signes de faiblesse, et l’épargne repart à la hausse.

Mais la croissance a tout de même atteint 1,2% sur l’année. L’économie française a donc globalement tourné à son rythme potentiel. On n’a pas perdu un trimestre de croissance, contrairement aux pires scénarios envisagés à l’époque.

Une démocratie grippée

Le vrai coût de cette dissolution est politique. Depuis un an, la France est institutionnellement paralysée. L’Assemblée et le Sénat ne s’accordant plus sur aucun texte, tout passe désormais par des commissions mixtes paritaires (CMP) où la droite sénatoriale est en position de force. Résultat: c’est au Sénat que les arbitrages finaux se font.

Le grand gagnant, dans cette configuration, s’appelle Bruno Retailleau. Le patron des sénateurs LR a su tirer son épingle du jeu, au point de s’imposer comme une figure présidentielle possible.

À l’inverse, l’exécutif et l’ex-majorité sont durablement affaiblis. Le gouvernement est empêché, et le pays devenu ingouvernable.

Plus aucun projet de loi économique d’envergure n’a été adopté. Depuis octobre, ce sont 130 textes qui ont été examinés… dont 125 propositions de loi, sans étude d’impact. Combien en avez-vous retenu? Peut-être la fin de vie. La lutte contre les narcotrafiquants. Mais sur le plan économique? Rien.

Le projet de loi sur la simplification n'en fini pas d'être examiné. La PPL Duplomb sur l’agriculture n’est toujorus pas adoptée. En revanche, on continue à voter des résolutions symboliques comme l’abrogation – sans effet – de la réforme des retraites la semaine dernière. C’est le village Potemkine de la politique. Simulation et dissimulation du pouvoir à tous les étages.

Le budget, seul texte qui compte

Le seul texte réellement contraignant à venir, c’est le budget. Et c’est peut-être la conséquence la plus lourde de cette dissolution : il faut désormais faire voter une loi de finances sans majorité.

Le budget 2025 fut un bricolage sans ligne directrice, né de trois gouvernements successifs. Celui de 2026 pourrait difficilement faire pire. À Bercy, certains espèrent simplement “faire le budget le moins bête possible”... Tout est dit.

Une nouvelle dissolution en vue?

À partir du 8 juillet, Emmanuel Macron pourra à nouveau dissoudre. Fera-t-il ce pari risqué une deuxième fois? Rien n’est exclu.

Un récent sondage Elabe pour La Tribune Dimanche et BFMTV montre que deux Français sur trois n’en veulent pas. Nicolas Sarkozy, lui, assure en privé qu’Emmanuel Macron n’hésitera pas. Le Président, de son côté, l’a formellement exclu lors d’un dîner à l’Élysée fin mai.

Mais avec ce quinquennat, une seule chose est sûre: tout reste possible.

Raphaël Legendre