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EDITO. Totalenergies aux États-Unis: peut-on reprocher à une entreprise d'aller chercher l'argent là où il est?

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La double cotation de Totalenergies aux États-Unis confirmée hier par Patrick Pouyanné fait craindre à certains que ce fleuron de l'industrie française passe un jour sous pavillon américain. Mais on ne peut pas reprocher à une entreprise d’aller chercher l’argent là où il se trouve.

C'est la responsabilité de Patrick Pouyanné et de Totalenergies d’aller chercher l’argent là où il est. Et aujourd'hui, les capitaux disponibles pour les sociétés pétrolières sont disponibles par trillions de dollars aux États-Unis et plus en France, notamment grâce aux fonds de pensions que l’on refuse de développer ici.

De plus, les actionnaires américains, contrairement aux Français ou aux Européens qui ont mis en place tout un tas de normes ISR poussant nos investisseurs institutionnels à sortir des énergies carbonées, sont eux très contents d’acheter la rentabilité de Totalenergies qui prévoit de verser 6% à ses actionnaires tous les trimestres cette année.

Voilà pourquoi la part du capital de Totalenergies détenue par les Américains est passée en un peu plus de 10 ans de 30% à 40% (en ne prenant en compte que les investisseurs institutionnels, cette part est même grimpée à 49%) et que celle des Français est passée de 30% à 15%.

Mais ce n'est pas une volonté de Totalenergies, qui subit le désamour des investisseurs institutionnels Français. Il faut dire que l'on a tout fait pour ça. Simplement, ne venons pas jouer les vierges effarouchées si les Américains détiennent plus de 50% du capital.

L’Edito de Raphaël Legendre : TotalEnergies, chercher l'argent là où il est - 06/02
L’Edito de Raphaël Legendre : TotalEnergies, chercher l'argent là où il est - 06/02
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Mais du coup, avec près de la moitié du capital, Totalenergies ne risque-t-il pas de passer sous pavillon US ?

En tout cas, ce n’est clairement pas la volonté de Patrick Pouyanné qui l’a dit et répété sur tous les plateaux. Et contrairement aux politiques, la parole d’un patron engage. Quels sont les marqueurs d’appartenance nationale d’une multinationale ?
Le capital bien sûr... mais pas que.

Le siège de Totalenergies ? Il reste en France. Le groupe va même emménager l’année prochaine dans la plus haute tour de France, à la Défense, pour rassembler toutes ses équipes.

Son conseil d’administration ? Sur les 14 membres, sept sont Français et vont le rester. Il n’y a qu’un seul Américain, Glen Hubard, le président de MetLife. On est quand même loin de la prise de contrôle.

Le comité exécutif ? Sur les neuf membres, huit sont Français et le neuvième est Belge.
Alors oui, la part des investisseurs institutionnels français est passée de 30% à 15%, mais c’est un problème pour Totalenergies, pas une volonté. Si le capital de Totalenergies est moins Français, c’est de la faute des régulateurs et des politiques qui tirent à boulets rouges sur les pétrolières.

+15% d'actionnaires individuels français

Qui a mis en place le label ISR ? C’est Bercy en 2016. On a mille fonds labellisés ISR, qui totalise près de 800 milliards d’encours aujourd'hui... Tous fermés à Totalenergies. Et surtout, on n’a pas de fonds de pensions. Et qui refuse de mettre en place des fonds de pensions en France? L’État.

Le même Etat qui par contre est très heureux de trouver Patrick Pouyanné pour caper les prix de l’essence à 2 euros le litre quand la grogne populaire se fait entendre.

Reste une touche d’espoir dans tout ça, et c'est la preuve que les Français sont peut-être moins dogmatiques que les politiques. Alors que les actionnaires institutionnels français et européens diminuent, les actionnaires individuels Français ont bondi de 15% en 2024. Ils étaient 570.000 fin 2023 et 650.000 fin 2024.

Raphaël Legendre