EDITO. Mercosur: veut-on laisser le marché sud-américain aux Chinois?

Alors qu’on ne cesse d’alerter sur la perte de vitesse du continent européen face aux géants chinois et américains, l’offensive française contre le Mercosur a de quoi laisser perplexe. Pendant combien de temps encore va-t-on faire tout notre possible pour appauvrir le pays?
Ce texte en gestation depuis 25 ans pourrait unir un grand marché de 750 millions de consommateurs. Un cinquième de la planète! Il promet à terme de supprimer complètement des droits de douane qui sont aujourd’hui de 20 à 35% sur 91% de nos exportations européennes.
Pour la France, ce sont des gains sur l’agroalimentaire, sur les produits laitiers, sur nos vins et spiritueux. Sur le cognac qui en a tant besoin après s'être fait fermer le marché chinois et bientôt celui des USA. C'est un accès privilégié en matière première (lithium, cuivre, fer) mais aussi soja pour nourrir nos poules et nos cochons.
Et l'on voudrait fermer la porte à tout cela parce que le Brésil ne s'engagerait pas assez pour l’accord de Paris et contre la déforestation? Côté brésilien, on rappelle non sans à propos que l’Europe a ratiboisé ses forêts bien avant l'Amérique latine, et que le Brésil gère de manière souveraine son territoire.
Instrumentalisation des peurs
En France, on instrumentalise aussi beaucoup les peurs sur d'éventuels risques sanitaires, notamment sur l'importation de bœufs aux hormones. Mais le bœuf aux hormones est interdit en Europe depuis 1989. L'Europe n’a jamais négocié à la baisse les normes phytosanitaires dans les négociations du Mercosur.
La preuve: un audit européen a décelé en octobre des résidus d’hormones chez des génisses brésiliennes, le Brésil a illico interrompu ses exportations de viande de bovins femelles vers l’Union européenne.
Arrêtons de jouer avec les peurs des Français. On importe déjà 35.000 tonnes de bœuf américain non traitées chaque année en Europe. Avec le Mercosur, 99.000 tonnes de viande bovine seraient autorisées à entrer dans l’UE chaque année. C'est 1,2% de la consommation européenne annuelle. Est-ce si dramatique?
Ce qui serait dramatique, c’est ce qui va se passer si l’on ne signe pas cet accord. La Chine raflera le marché latino-américain. Ils s'y préparent. Les investissements chinois en Amérique latine ont été multipliés par 34 entre 2020 et 2022.
Le Brésil est devenu le premier marché étranger pour les véhicules électriques chinois. Quand Ford et Mercedes ferment leurs usines au Brésil, c’est BYD et Great Wall Motor qui les rachètent. BYD a multiplié par huit ses ventes au Brésil entre janvier et septembre cette année. Au Mexique, un véhicule neuf dix est chinois.
Voilà ce qui arrive si on n’occupe pas le terrain.
L’Europe a besoin de cet accord, et nous, en France, avons surtout besoin d’ouvrir les yeux sur l’état du monde en général et de notre économie en particulier.