BFM Business
Economie

EDITO. Le spectre de l’ISF bouge encore

placeholder video
L'EDITO DE RAPHAËL LEGENDRE. Les écologistes soumettent aujourd’hui à l’Assemblée une proposition de loi qui ressuscite un ISF XXL. Bercy prépare de son côté un outil anti-optimisation basé sur le patrimoine des plus riches. La France renoue avec ses vieux démons fiscaux.

À l'occasion de leur niche parlementaire ce jeudi, les écologistes proposent de créer un impôt plancher sur la fortune (IPF) pour les 0,01 % des contribuables les plus riches. Entre 2 000 et 4 000 foyers dont le patrimoine dépasse les 100 millions d’euros, afin de s’assurer qu’ils paient au moins 2 % de leur fortune en impôts.

Inspirée par l’économiste Gabriel Zucman, cette contribution plancher pourrait générer entre 15 et 25 milliards de recettes supplémentaires dans les caisses de l’État. Il faut bien se rendre compte des ordres de grandeurs ici: on parle ici d’un ISF multiplié par trois à cinq, qui reposerait sur 200 fois moins de contribuables que l’ISF qui a disparu en 2018. La facture moyenne oscillerait entre 8,5 et 14 millions d’euros par foyers.

Le danger, c’est que le texte incorpore l'outil professionnel dans le patrimoine. Le meilleur ingrédient pour faire tous les entrepreneurs de France et de Navarre. Pour être bien sûr de capter l’argent, même en cas d'exode des plus fortunés, la mesure s’appliquera cinq ans après leur départ. Une véritable chasse aux riches dont la France ne ressortirait qu'appauvrie.

Le texte a-t-il une chance de passer?

À l’Assemblée, c'est possible, mais le Sénat s'y opposera au final. C’est surtout l'occasion pour le groupe écologiste de faire un peu de communication politique.

Par contre, un autre texte puisé à même source est en préparation à Bercy. C’est donc beaucoup plus sérieux. Amélie de Montchalin annonce ce matin dans Les Échos le lancement d’une concertation de deux mois pour mettre en place dans le prochain budget un nouvel outil anti-optimisation qui ressemble dans le concept à la proposition de loi écologiste.

L’idée, c’est que les riches contribuables qui vivent sur leurs holdings patrimoniales sans vraiment se verser de dividendes, donc sans vraiment payer d’impôts - certains vivent sur des prêts qui sont ensuite remboursés par la holding - ceux-là devraient payer l'équivalent de 0,5% de leur patrimoine a minima.

Exemple avancé par la ministre: “sur un patrimoine de 10 millions d'euros, il faudra payer au moins 50.000 euros d’impôts”. Si vous les avez déjà payés en impôt sur le revenu et en IFI, vous n’avez rien à ajouter. Si vous n’avez payé que 30.000 euros, il faudra rajouter 20.000.

Dis comme ça, cela semble assez juste...

Mais le problème, ce ne sont pas les foyers disposant de 10 millions de patrimoine. Ces "petits riches" payent des impôts, et même beaucoup d'impôts: 46% en moyenne. L'impôt en France devient dégressif entre les 0,1 % des plus riches et les 0,0002 % des plus riches, a révélé l'Institut des politiques publiques dans une étude très complète l'année dernière. Il passe alors de 46% à 26% pour les milliardaires.

Mais que voulons-nous faire de ces milliardaires? Ne vaut-il pas mieux avoir 10 personnes qui optimisent, mais maintiennent leur fortune en France, que de voir partir les fonds et les centres de décisions ailleurs?

Après près de quarante ans, la France a enfin réussi à sortir – au moins partiellement – de l’ISF. Faut-il remettre une pièce dans le jukebox? Pas sûr...

Raphaël Legendre