ÉDITO. L'Amérique accélère, l'Europe stagne, la France recule... Le sombre enseignement que l'on tire des Rencontres économiques d'Aix-en-Provence

Un succès qui ne se dément pas. Que ce soit en termes de fréquentation, de débats, d’invités, les 25 ans des Rencontres économiques d'Aix-en-Provence signent l’année de tous les records.
Des Rencontres qui se sont refermés samedi soir sur un constat sans appel, partagé par la quasi-totalité des intervenants: les États-Unis accélèrent, l’Europe stagne, la France recule.
Malgré les critiques souvent formulées de ce côté-ci de l’Atlantique, les États-Unis affichent une vitalité économique impressionnante. Et même si le pays est suspendu à l’issue de la campagne la plus polarisée depuis des décennies, les faits sont là: Trump (ou plutôt son héritage économique) continue d’imprimer sa marque.
Sa politique pro-GAFA et pro-industrie numérique paie: les États-Unis ont pris une longueur d’avance dans la robotisation, l’IA et les véhicules autonomes. À Austin, au Texas, une course en taxi autonome Tesla coûte désormais 4,20 dollars, forfaitairement, quel que soit le trajet.
Le secteur financier? Il est sur le point d’être massivement dérégulé, avec en ligne de mire une libéralisation des cryptomonnaies. Résultat: la rentabilité des banques américaines dépasse de 30% celle des banques européennes. Même sur la défense, la pression américaine a fini par secouer le Vieux Continent. Bref, aux États-Unis, c’est la fête, comme l’ont confirmé les dirigeants installés là-bas et présents à Aix.
Une Europe paralysée
Côté européen, en revanche, c’est la morosité. Le refrain était le même sur toutes les scènes d’Aix: "Que fait l’Europe ?"
Plus d’un an après les rapports Letta et Draghi, les entreprises attendent encore les actes. Invité vedette du week-end, Mario Draghi lui-même a reconnu qu’“il y a eu peu de progrès”.
Même la fameuse “directive omnibus” adoptée en mars s’est transformée... en minibus. Peu d'annonces, peu d’élan, et une régulation souvent absurde: Bruxelles a un temps envisagé d’interdire l’éthanol dans les parfums, par crainte d’ingestion. Oui, vous avez bien lu.
Une France en décrochage
Et la France dans tout cela? Elle inquiète. Les patrons présents à Aix ont tous pointé un déclassement qui s’accélère, une perte de compétitivité, une défiance croissante vis-à-vis des politiques.
Le travail n’est pas fait, la gestion reste court-termiste, sans cap ni vision. Les entreprises redoutent une nouvelle hausse d’impôts dans le budget 2026, faute de réformes structurelles sur les dépenses publiques.
Le symbole de ce décrochage? Vendredi, pour la première fois, la France a emprunté plus cher que l’Italie sur les marchés.
Et maintenant?
Les intervenants sont repartis avec le sentiment d’une Europe immobile et d’une France en pilotage automatique, jusqu’en 2027 au moins. Pendant ce temps, les États-Unis tracent leur route, tambour battant.
Rendez-vous est pris pour l’an prochain. Mais à ce rythme, il ne restera plus qu’à commenter la vitesse du train américain depuis le quai européen.