EDITO. IA: une Europe éthique mais impuissante

Deux cents chefs d’Etat et d’entreprises de la tech sont attendus les 10 et 11 février à Paris, dont le Premier ministre indien Narendra Modi qui sera l’invité d’honneur d'un sommet international important sur l'intelligence artificielle.
Un sommet pour lequel Emmanuel Macron a trois objectifs:
- économique: avec un événement business à Station F qui devrait réunir plus de 10 000 personnes pour échanger des cartes et plus si affinité avant le sommet Choose France le 19 mai prochain,
- culturel: pour expliquer que l’IA est plus une opportunité qu’un danger, notamment pour l’emploi,
- diplomatique: pour tenter de construire une ébauche de gouvernance mondiale de l’IA.
Et là, deux visions du monde risquent de s’affronter. Nous, Européens, allons défendre durant ce sommet un modèle d’intelligence artificielle moral, éthique, inclusif. Quand en face, Etats-Unis et Chine affichent une volonté de puissance, d'hégémonie, voire de contrôle des populations.
Vous craignez que la réponse des Européens ne soit pas à la hauteur de l’offensive américaine? Je vous laisse juge: les trois “délivrables” comme on dit du sommet vont être :
- la création d’une fondation pour une IA au service de l’intérêt général,
- le lancement d'une coalition pour une IA durable conforme aux objectifs de DD de l’ONU,
- et on va signer une pétition pour une gouvernance mondiale.
Où est la puissance?
Mais où est la puissance? Où sont les grandes capitalisations, la dérégulation pour libérer les énergies, la recherche fondamentale, l’innovation de rupture? Elles ne sont plus chez nous. J’ai un peu l’impression qu’on reproduit les mêmes erreurs qu’il y a vingt ans - quand les Etats-Unis font les Gafam et la Chine les BATX, on fait le RGPD.
Or, sans puissance, le combat de l’ethos est perdu d’avance. Le pronostic vital de modèle européen est engagé, menacé par le modèle étatiste chinois et mercantiliste américains, les deux devenant de plus en plus liberticides.
Un exemple? Le 12 septembre dernier, le fondateur d’Oracle, Larry Ellison, 81 ans, 200 milliards de dollars de fortune personnelle, a vanté les mérites de son système de système de surveillance à grande avec des caméras ultra précises, impossibles à éteindre et des images renvoyées en temps réel depuis tout le pays au "quartier général".
Big Brother, sous couvert de sécurité des citoyens, parce que quand on se sait filmé, on se tient à carreau.
Et qui on retrouve dans Stargate, le gigantesque projet d’investissement de 500 milliards pour renforcer les infrastructures d’IA? SoftBank, Open AI et... Oracle.
C'est un exemple parmi d’autres. Mais donc, si l’on souhaite vraiment défendre notre modèle à l'européenne, il faut arrêter de se battre avec une épée en carton. L’éthique ne suffira pas. Il faudra beaucoup d’argent et une Europe forte. Or, pour l’instant, on a ni l’un ni l’autre.