EDITO. Effondrement de la mobilisation, slogans fatigués, syndicats en ordre dispersé... Et si on enterrait le 1er mai?

Des manifestants à Paris lors du défilé du 1er-Mai 2025. - ALAIN JOCARD / AFP
Avec 157.000 manifestants recensés dans toute la France, la mobilisation syndicale du 1er mai s’effondre. Il y a deux ans, ils étaient près de 800.000 à battre le pavé. Le contraste est saisissant. Mais faut-il vraiment s’en étonner ?
Certes, c’est un peu mieux que l’année dernière (157.000 contre 121.000), mais cela reste cinq fois moins qu’en 2023, quand la réforme des retraites avait électrisé les cortèges. Cette année, l’ambiance était morose, les banderoles délavées, les slogans fatigués. Le 1er mai syndical semble désormais en coma dépassé.
Dans la rue, on retrouve surtout les irréductibles de la CGT… et les black blocs. Après Raphaël Glucksmann l’an dernier, c’est le député socialiste Jérôme Guedj qui a été pris pour cible par des groupes violents d’ultragauche. Contraint d’évacuer son cortège à Dunkerque, il incarne malgré lui l'impuissance d’une gauche morcelée.
Une fête du Travail sans travailleurs
L’unité syndicale affichée en 2023 a volé en éclats. CGT, FO, CFDT avancent désormais chacun de leur côté, en ordre dispersé. Pourquoi ? Parce que le rapport de force s’est déplacé. Dans une économie en tension, ce n’est plus la rue qui fait grimper les salaires, c’est le marché du travail. Quand les entreprises peinent à recruter, elles savent récompenser leurs talents. Pas besoin de mégaphones.
Leçon numéro un : le capitalisme, lui, sait flatter ceux dont il a besoin.
Mais ne nous y trompons pas : les syndicats, s’ils sont faibles dans la rue, gardent une force de frappe intacte dans certains secteurs. À la SNCF notamment, où la menace d’une grève pendant les ponts de mai plane, comme au printemps dernier. La capacité de blocage reste bien réelle.
Pourtant, en ce 1er mai, aucune idée neuve n’a émergé. À Dunkerque, Marine Tondelier, Olivier Faure et François Ruffin ont entonné "L’Internationale" aux côtés des salariés d’ArcelorMittal, menacés par 600 licenciements. Mais à force de ressasser les appels à la nationalisation, la gauche se rend inaudible. La rengaine ne fait plus recette. Il est temps de changer de logiciel.
Et si on tournait la page ?
Cette fête du Travail ressemblait davantage à un musée de la lutte sociale qu’à une célébration moderne des travailleurs. Pas de vision, peu de monde, beaucoup de casse. Un 1er mai sans travailleurs, sans idées… mais avec des slogans d’un autre siècle.
Alors, posons la question franchement : et si on enterrait le 1er mai ? Du moins dans sa version ritualisée, folklorique, parfois contre-productive ? Et si on en faisait une véritable fête du travail — au sens littéral — en laissant notamment ceux qui souhaitent travailler ce jour-là, comme les boulangers, le faire sans être inquiétés ?
Une proposition de loi visant à protéger ces professionnels sera bientôt examinée.
Le débat doit se déplacer : vers la pénibilité, l’allongement des carrières, la place des seniors, le sens du travail. Des sujets concrets, urgents, qui intéressent vraiment les salariés. Et c’est là que les syndicats doivent retrouver leur rôle : à la table des négociations, pas dans les rues vides.