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EDITO. Communes, Etat: tous tartuffe!

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L'EDITO DE RAPHAËL LEGENDRE. Le 106e congrès des maires se tient jusqu'à jeudi Porte de Versailles à Paris. Un “congrès de la colère” selon le vice-président de l’Association des maires de France, André Laignel.

Le congrès des maires ouvre ses portes ce mardi, et comme chaque année, l’Association des maires de France crie à l’étranglement financier par l’Etat. Et comme chaque année, l'Etat tire de son côté à boulets rouges sur la gestion dispendieuse et irresponsable des collectivités.

Bruno Le Maire n'a-t-il pas quitté Bercy en dénonçant un dérapage de 16 milliards d'euros des finances locales? Tous tartuffe!

Pour mieux saisir la réalité des faits, loin du théâtre politique, il faut d'abord voir de là où l’on vient. Comme l'a rappelé début octobre la Cour des comptes dans son rapport sur les finances locales, 2022 a été une année “très favorable” pour les collectivités.

2023 a été plus compliquée pour les départements et les régions, mais pas pour les communes qui ont cumulé 1,4 milliard d'euros d’épargne nette.

En 2024, rebelote. Sur les huit premiers mois de l'année, les départements et les régions restent dans une situation compliquée, mais le bloc communal ça va ! Les impôts rentrent.

Et pouquoi? Parce que les bases locatives qui servent de socle au calcul des impôts locaux (taxe foncière sur le bâti, le non bâti, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, la taxe sur les logements vacants...) sont indexées sur l’inflation.

En trois ans, ces bases locatives ont quand même grimpé de près de 15%. Le tout, sans compter les hausses supplémentaires de taux à la main des maires !

Oui, les recettes des communes se portent bien. Et du coup, les dépenses aussi!

Flambée des dépenses

Que ce soit sur les dépenses de fonctionnement, d'achats, d'investissement ou les dépenses de personnel (+10% entre 2022 et 2023), la Cour des comptes fait état de progressions "particulièrement dynamiques”.

En 10 ans (2011-2021), 100.000 embauches supplémentaires ont été réalisées sur le bloc communal (baisse de 23.000 dans les communes, mais hausse de 125.000 dans les intercommunalités). En 25 ans (1997-2022), les effectifs de la fonction publique territoriale au sens large (communes, départements, régions) ont explosé de 46%, alors que les emplois du secteur privé ont augmenté de 18% et la population de 14%.

Le tout, sans véritable amélioration de la qualité de service selon les administrés.

Et c'est sans parler de l’envolée des journées d’absence, alors que les 35 heures ne sont toujours pas appliquées partout dans la fonction publique territoriale.

Alors oui, les communes peuvent sûrement faire un petit effort.

Où sont passées les économies ?

Et en même temps, il est aussi vrai de dire que c’est l’Etat qui porte à 90% le poids et la responsabilité de la dette et du déficit. Catherine Vautrin a d'ailleurs reconnu dans Le Figaro que "les élus locaux n’étaient pas responsables de la situation budgétaire du pays", et que “le gouvernement sera à l'écoute des propositions du Sénat", qui veut lui-même ramener l’effort en économie des collectivités de 5 à 2 milliards seulement.

Le Premier ministre a déjà promis aux départements une réduction "significative" des économies qui leur seraient demandées. On verra ce qu'il annonce jeudi en clôture du congrès des maires.

Sauf qu’à force de dire oui à tout le monde et de reculer devant le moindre effort, on commence sérieusement à se demander où sont passés les 40 milliards d’économies promises dans le budget.

Le risque dans ce pays décidément incapable de réduire sa dépense, c’est au final de voir les impôts augmenter.

Raphaël Legendre