Union à gauche: qu'est-ce que la désobéissance européenne que prône la France insoumise ?

Jean-Luc Mélenchon le 25 juin 2016 à la sortie de l'Elysée, le lendemain du Brexit - GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
Deux vision diamétralement opposées. La question de la désobéissance aux traités européens contenue dans le programme de la France insoumise est le principal point d'achoppement après des heures de négociation entre le Parti socialiste et la France insoumise. Si les proches de Jean-Luc Mélenchon y voient le moyen de réorienter l'Union européenne sur le chemin du social et de l'écologie, les socialistes y voient le chemin vers une éventuelle sortie des institutions bruxelloises. Mais de quoi parle-t-on exactement ?
La France insoumise vise une stratégie de "désobéissance" aux règles européennes, dans l’espoir de créer une coalition avec d’autres pays. Avec un objectif : remodeler le projet européen afin de le réorienter suivant ses préférences politiques.
Imposer un "rapport de force"
Imaginé en 2015 en pleine crise de la dette grecque, le programme de 2017 de la France insoumise se voulait très clair: menacer Bruxelles de faire sortir la France de l'UE en cas de refus des États membres de réviser les traités.
Mais le Brexit est depuis passé par là et les Insoumis ont proposé lors de la dernière présidentielle la stratégie du "opt-out", c'est-à-dire la désobéissance aux traités seulement sur des points stratégiques.
L'heure n'est plus à laisser entendre un éventuel Frexit. "Nous ne sortirons pas de l'Union européenne", a d'ailleurs précisé Jean-Luc Mélenchon lors de son discours du 1er-Mai dans le cortège parisien.
"On dit toujours qu'on ira au rapport de force. Ça fonctionne. Regardez, (l'ancienne Première ministre britannique) Margaret Thatcher a eu ses rabais comme ça!", confiait Manuel Bompard, le directeur de campagne de la présidentielle, à BFMTV.com en novembre dernier.
"Tout le monde désobéit"
Problème: d'un point de vue légal, le respect des traités est l'un des fondements de l'Union européenne.
"L’Union européenne repose avant tout sur du droit, si les États membres décident de ne pas l’appliquer et de faire primer leur droit national, alors le système s’effondre", juge Olivier Costa, chercheur (CNRS) au Centre Émile Durkheim, à Bordeaux dans les colonnes du Parisien.
Sur les bancs de la France insoumise, on assume cependant la démarche.
"Tout le monde désobéit aux règles européennes", a ainsi avancé Jean-Luc Mélenchon sur France 2 le 30 avril dernier.
Et de citer le cas de l'Espagne sur les prix de l'énergie" ou encore l'"Allemagne sur la mise en concurrence des entreprises de l'eau potable".
La France elle-même avec son "quoi qu'il en coûte", mis en place pendant la crise du Covid-19, est très loin d'actuellement respecter les critères du traité de Maastricht qui impose 3% de déficit maximum.
Le Danemark, un cas symbolique
Le non-respect des règles des traités peut cependant, sans aucune automaticité, entraîner des sanctions, à l'instar de la Pologne et de la Hongrie.
Varsovie est notamment visé par une procédure liée à l'organisation de son système judiciaire qui remet en cause l'indépendance des juges. Budapest est de son côté pointé du doigt pour une remise en cause des droits LGBT, tout comme c'est également le cas pour son voisin polonais. Les deux pays sont sous le coup d'une procédure pour suspendre leurs accès aux fonds européens.
Certains États membres de l’UE sont cependant parvenus à revenir sur certains engagements, à l'instar du Danemark par exemple, qui ne s'engage pas dans la politique de défense européenne depuis près de 3 décennies.
Certains voient également dans le discours autour de la désobéissance aux traités européens un outil efficace de campagne. L'anthropologue Marc Abélès, confie ainsi au Parisien y percevoir "un effet d'annonce, de bonne guerre en période électorale".