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Union européenne

Pourquoi le Mercosur fait peur aux agriculteurs français

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Jusqu'à 99.000 tonnes de bœuf élevées sans suivre les contraintes européennes pourraient déferler dans l'Union européenne si le traité était ratifié.

Bientôt le dénouement pour un accord qui patine depuis des décennies? À l'approche d'une réunion imminente des cinq pays du Mercosur, perçus par certains dirigeants comme des moments propices pour finaliser un accord, le projet de traité reste fortement contesté par la France et ses agriculteurs.

Le Mercosur, ou "marché commun du sud" (Mercado Comun del Sur), est un traité de libre-échange entre l'Union européenne et réunit cinq nations: le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay, le Paraguay et, depuis 2023, la Bolivie. L’UE souhaite intensifier ses échanges commerciaux dans cette zone avec l'objectif d'un espace commun de plus de 700 millions de consommateurs.

Des normes différentes

L'accord vise à supprimer plus de 90% des droits de douane sur les produits échangés entre les deux continents. Ainsi, les pays du continent américain supprimeraient les droits de douane sur des produits européens tels que les voitures, les vêtements et les fruits frais. Actuellement, ces taxes s’élèvent à 27% pour le vin et atteignent même 35% pour les voitures et les vêtements.

Revers de la médaille, le marché européen s'ouvrirait largement aux produits agricoles américains, notamment la viande bovine en provenance d'Argentine et du Brésil. Concrètement, jusqu'à 99.000 tonnes de bœuf et 60.000 tonnes de riz pourraient être importées sur le vieux continent sans barrières tarifaires.

Pourquoi le Mercosur ulcère les agriculteurs ? - 12/11
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Le tout, sans respecter les normes sanitaires européennes. D'après une étude publiée par l'institut de l'élevage en octobre 2022, les éleveurs brésiliens ont recours à des pesticides interdits dans l'UE. Certains antibiotiques, prohibés en Europe, sont également utilisés comme stimulateurs de croissance.

D'autant qu'il n'existe pas, dans ces pays, de traçabilité complète de la naissance à l'abattage. Ce qui fait peser une forte incertitude en matière de respect des normes environnementales (élevages responsables de la déforestation) ou de sécurité alimentaire.

De quoi susciter la colère des agriculteurs français, qui expliquent que l'élevage français ne peut être concurrentiel vis-à-vis de ces pays-là. Le premier syndicat agricole, la FNSEA se montre, par l'intermédiaire de son président Arnaud Rousseau, fermement opposé à la ratification de l'accord.

Levée de bouclier politique

Dans la classe politique française, les levées de bouclier ont été unanimes. 200 députés issus des groupes communistes, socialistes, Modem, écologistes, LR, Horizons, Renaissance et Liot, dans une tribune au Figaro ont appelé le Président à faire pression contre l'accord.

"Si on ne prend pas les bonnes mesures pour protéger l‘agriculture des accords de libre-échange, de la concurrence internationale déloyale, du poids que représente aujourd’hui la fiscalité sur les transmissions et si on ne permet pas aux agriculteurs de vivre décemment de leur travail, alors notre agriculture sera submergée", a expliqué de son côté le président du Rassemblement national, Jordan Bardella.

Même son de cloche du côté de la ministre de l'Agriculture. "La position de la France est claire, nous y sommes opposés", a indiqué Annie Genevard sur France 3. Et d'appuyer: "Cet accord ne sera pas signé à Rio dans quelques jours", lors d'un sommet entre les pays du G20 le 18 et 19 novembre au Brésil. Le sommet du Mercosur se tiendra dans la foulée du 5 au 7 décembre.

Théodore Laurent