Plan climat de l'UE: accord des eurodéputés sur la réforme du marché carbone

Le 8 juin à Strasbourg, ils avaient d'abord échoué à s'entendre sur ces trois piliers de la stratégie proposée par la Commission pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de l'Union européenne de 55% d'ici à 2030 par rapport à 1990. - -
Les eurodéputés ont adopté mercredi leur position sur la réforme du marché du carbone, deux semaines après avoir rejeté une première version de ce texte-clé du plan climat de l'UE, une base pour leurs négociations avec les États membres.
Le Parlement européen a approuvé à une large majorité un compromis prévoyant l'élargissement du marché du CO2 et la suppression graduelle, entre 2027 et 2032, des quotas d'émissions gratuits alloués aux industriels, à mesure qu'entrera en vigueur aux frontières de l'UE une taxe carbone sur les importations venant de pays tiers.
Réunis à Bruxelles, les eurodéputés ont également validé leur position sur cette taxe carbone inédite, avec un début d'application en 2027, et sur le "fonds social" destiné à aider les ménages vulnérables à amortir l'impact de la transition environnementale.
Le 8 juin à Strasbourg, ils avaient d'abord échoué à s'entendre sur ces trois piliers de la stratégie proposée par la Commission pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de l'Union européenne de 55% d'ici à 2030 par rapport à 1990.
"Permis à polluer"
Actuellement, le marché carbone européen où s'échangent depuis 2005 les "permis à polluer", créés en nombre limité et que doivent acheter les producteurs d'électricité et industries énergivores (sidérurgie, ciment...), couvre seulement 40% des émissions des Vingt-Sept. Les eurodéputés ont approuvé son élargissement au secteur maritime, à l'aviation, aux poids-lourds et aux immeubles de bureaux.
Jusqu'à présent l'essentiel des industriels reçoivent des "quotas gratuits" pour ne pas être défavorisés par rapport aux produits importés. Or, Bruxelles prévoit la disparition des quotas gratuits quand seront taxées les importations de secteurs polluants (acier, aluminium, ciment, engrais, électricité) au prix du CO2 européen.
Début juin, le blocage s'était noué autour du calendrier: le PPE (droite, première force du Parlement) exigeait alors de maintenir jusqu'en 2034 ces quotas gratuits dans l'UE -une "ligne rouge" pour les Verts et S&D (sociaux-démocrates). S&D et Renew soutenaient une réduction graduelle entre 2026 et 2032.
Le texte voté mercredi, fruit d'un compromis entre le PPE, S&D et Renew prévoit finalement une réduction des quotas gratuits à partir de 2027 jusqu'à leur disparition en 2032, avec en contrepartie une progressivité accrue: les entreprises recevront encore 50% d'allocations gratuites en 2030.
Les eurodéputés visent toujours une réduction de 63% d'ici à 2030, par rapport à 2005, des émissions des secteurs soumis au marché carbone, mieux que l'objectif de la Commission (-61%).
"Réalités économiques"
Cet accord "associe préoccupations climatiques et réalités économiques, en laissant le temps aux entreprises de s'adapter", juge le président du PPE, Manfred Weber, tandis que Pascal Canfin (Renew), président de la commission Environnement salue "une grande avancée pour l'action climatique".
Plus réservés, les écologistes et S&D (socio-démocrates) ont voté les textes, tout en les trouvant insuffisants. "La balle est dans le camp des États", a noté Karima Delli (Verts): les Vingt-Sept doivent désormais s'accorder sur les différents volets du plan climat, avant des négociations avec les eurodéputés pour dégager un texte définitif.
Le compromis du Parlement prévoit la pleine application de la taxe carbone aux frontières en 2032. Et s'il y a consensus pour élargir à des secteurs supplémentaires (plastiques, chimie) le champ des importations ciblées, ces mêmes secteurs dans l'UE bénéficieront le cas échéant de quotas gratuits jusqu'en 2035.
Autre concession au PPE: les sites industriels, à condition d'engager des investissements "verts", continueront de recevoir des quotas gratuits pour leur production destinée aux exportations vers des pays tiers n'ayant pas une tarification carbone comparable.
Pas de quoi rassurer le lobby sidérurgiste Eurofer, qui s'alarme de dispositions "insuffisantes pour protéger les exportations européennes" et pointe le risque de délocalisations hors UE.
"Distribuer des quotas gratuits aux gros pollueurs au-delà de 2030 est un cadeau majeur sur le dos des citoyens, de la planète et d'autres secteurs qui paieront la facture" tout en retardant les investissements nécessaires pour la décarbonation, rétorque Klaus Röhrig, de Réseau Action Climat, une fédération d'ONG.
Oxfam, pour sa part, met en garde contre l'impact "injuste" de la taxe carbone aux frontières sur les pays les moins développés du globe.