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Union européenne

L'accord entre l'UE et l'Inde coince à cause du riz basmati: Delhi veut l'exclusivité en Europe pour chasser le Pakistan

Du riz (photo d'illustration).

Du riz (photo d'illustration). - Pixabay

Un bras de fer oppose depuis des années l'Inde et le Pakistan pour le droit d'utiliser l'appellation de "riz basmati". New Delhi réclame une avancée pour signer l'accord commercial actuellement négocié avec l'Union européenne.

Les négociations entre l'Union européenne et l'Inde se poursuivent, à New Delhi, pour conclure d'ici la fin de l'année un accord commercial, défini comme une "priorité stratégique" par la Commission européenne. Les discussions, entamées en 2007 puis interrompues, ont repris en 2022 et sont devenues plus pressantes ces dernières semaines.

Les deux parties cherchent à conclure des alliances commerciales, dans un contexte de durcissement du commerce international, notamment lié au relèvement des droits de douane américains, particulièrement élevés pour l'Inde.

Mais plusieurs points de frictions persistent. L'un des plus inattendus tient aux exportations de riz basmati dans l'UE. Cette variété, cultivée dans la région du Pendjab depuis plusieurs siècles, fait l'objet d'un bras de fer entre l'Inde et le Pakistan, pays ennemis depuis 1947, dont la rivalité a dégénéré en conflit armé au printemps.

Concrètement, l'Inde cherche à obtenir le droit exclusif de vendre du riz basmati dans l'UE depuis 2018. À cette date, le pays a été dépassé sur le marché européen par son concurrent pakistanais. L'an passé, le Pakistan a exporté pour plus de 440 millions d'euros de riz vers l'Europe, presque deux fois plus que l'Inde (268 millions d'euros) selon des données officielles.

Pour reprendre le dessus, l'Inde a donc déposé une demande d'indication géographique protégée (IGP) auprès de l'UE et en fait aujourd'hui l'une des conditions de la signature de l'accord commercial selon le Financial Times. Pour le moment, la Commission européenne s'y refuse, par crainte de fâcher le Pakistan et de provoquer une crise diplomatique.

Des réticences de part et d'autre

De manière générale, l'agriculture est un point de discorde important entre les deux parties. New Delhi protège de longue date son secteur agricole face aux exportations. Des subventions sont notamment accordées aux producteurs de céréales dans une optique de sécurité alimentaire. L'Inde est réticente à lever ces barrières alors qu'elle doit nourrir une population d'1,4 milliard de personnes.

À l'inverse, une note publiée par le ministère de l'Agriculture français recommandait de limiter l'accès des produits agricoles indiens en Europe, notamment pour la filière sucrière, en difficulté dans l'Hexagone, en considérant que "des importations indiennes additionnelles menaceraient des bassins de production entiers".

Un autre point litigieux est la taxe carbone aux frontières de l'UE, qui frappera les importations à forte intensité de carbone telles que l'acier et l'aluminium à partir de 2026. Les responsables indiens la qualifient de barrière commerciale déguisée, tandis que Bruxelles insiste sur le fait qu'elle est au cœur de sa politique climatique.

Parallèlement, les Vingt-Sept subissent la pression croissante des États-Unis qui voudraient que l'UE impose des droits de douane supplémentaires à l'Inde et à la Chine en raison de leurs achats d'hydrocarbures russes.

Pierre Lann