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Union européenne

Italie: l'extrême droite veut respecter la règle des 3% de déficit

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Matteo Salvini, le leader de la Ligue, propose de fixer un objectif de déficit d'environ 2% du PIB pour le budget 2019. Ce compromis permettrait à la coalition de commencer à appliquer son programme, sans alourdir sa dette. Reste à savoir si le Mouvement cinq étoiles, également au pouvoir, l'accepte.

C'est l'un des dossiers chauds de la rentrée: Rome va-t-il se conformer aux règles budgétaires européennes ou ouvrir un front avec Bruxelles? Malgré une diatribe eurosceptique incessante durant l'été, Matteo Salvini, leader de le Ligue (extrême-droite) et vice-Premier ministre du gouvernement Conte, a choisi de rester dans le cadre. À l'issue d'une réunion avec des économistes ce mardi, il a proposé de fixer un objectif de déficit "un peu au-dessus de 2%" du PIB pour le budget 2019, selon les informations du quotidien La Stampa, respectant ainsi la fameuse règle d'or des 3%.

Ce choix tranche avec le discours de la coalition depuis son arrivée au pouvoir début juin. Dirigée par la Ligue et le Mouvement 5 étoiles (anti-système), elle s'est faite élire sur des promesses de baisses d'impôts et de hausse des dépenses de santé. Appliqué à la lettre, ce programme creuserait davantage le déficit, de quoi susciter des inquiétudes sur la soutenabilité de la dette du pays, qui culmine à 132% du PIB. Le sujet avait donné lieu à des échanges houleux entre Rome et Bruxelles ces derniers mois.

L'effondrement du pont de Gênes

Cet été, la coalition maintenait le suspens sur ses intentions. Les deux hommes forts du gouvernement, Luigi Di Maio (M5S) et Matteo Salvini, assurait qu'ils feraient de leur mieux pour respecter la règle des 3% de déficit, mais que ce ne pouvait être une raison pour les empêcher d'appliquer leur programme.

Les doutes se sont amplifiés avec l'effondrement du pont de Gênes, le 14 août. La catastrophe, conséquence d'une absence de travaux de rénovations, force Rome à envisager "un important plan d'investissements dans les ouvrages publics", a estimé un membre du gouvernement issu de la Ligue. Dans ces conditions, il n'excluait pas que le déficit dépasse les 3%.

Rassurer les marchés

Le discours du ministre des Finances, Giovanni Tria, est tout autre. Le déficit en 2019 sera de 1,5% au minimum a-t-il déclaré vendredi dernier. Coïncidence? L'agence de notation Fitch devait revoir la note de l'Italie le même jour.

Depuis l'arrivée au pouvoir de la coalition, l'écart entre le taux d'intérêt italien et le taux allemand, le "spread" -sorte de thermomètre sur les marchés-, a bondi. Rome emprunte à plus de 3%, alors qu'avant les élections le taux était en-dessous de 2%. Pas question que la situation empire, car si l'État doit dépenser davantage pour se financer, cela réduit mécaniquement les capacités du gouvernement à financer ses réformes et tenir ses promesses électorales.

Si Fitch abaissait sa note, l'inquiétude, déjà présente sur les marchés, aurait encore grandi. Finalement, Rome conserve son BBB, mais passe d'une perspective "stable" à "négative".

Des marges de manœuvre restreintes

Ces déclarations contradictoires donnent "l'impression qu'au sein du gouvernement italien, on a des ministres qui sont en charge de tenir une communication vers des groupes définis: Matteo Salvini et Luigi Di Maio vers les électeurs, le ministre des Finances vis-a-vis des marchés", observe Hervé Goulletquer, stratégiste chez La Banque Postale Asset Management (LBPAM).

Pour appliquer son programme, Rome doit creuser son déficit, mais "il n'a pas des marges de manœuvre incroyables, étant donné à la fois le taux (plus élevé) auquel l'Italie emprunte, le niveau important de la dette et la relative modestie de la croissance", analyse Hervé Goulletquer.

La proposition de Matteo Salvini de porter le déficit à environ 2% du PIB en 2019 est un compromis. D'un côté, la règle des 3% est respectée et la dette devrait rester stable, de quoi rassurer Bruxelles et les marchés, même si l'effort consenti ne sera pas suffisant à leurs yeux. D'ailleurs l'écart entre le taux italien et le taux allemand s'est réduit après que le choix de Matteo Salvini a été dévoilé dans la presse. De l'autre, le gouvernement lâche du leste par rapport à ses prédécesseurs qui prévoyaient, dans leur trajectoire budgétaire, un déficit de 0,8% en 2019.

Le feuilleton n'est cependant pas terminé. La Ligue n'étant pas le seul parti au pouvoir, sa proposition doit satisfaire ses partenaires du Mouvement 5 étoiles pour être entérinée. Rome doit dévoiler ses objectifs de croissance et de budget d’ici la fin du mois, avant de transmettre son projet à la Commission européenne en octobre.

Jean-Christophe Catalon