ÉDITO. Grands patrons: le ton monte contre l’Europe

On a beaucoup parlé ces dernières semaines des grands patrons qui menacent de quitter la France pour partir aux États-Unis où l’herbe est plus verte. Mais le problème des grands patrons européens, c’est l’Europe. Jean-Laurent Bonnafé, directeur général de BNP Paribas, ne dit pas autre chose dans Les Échos du jour: "Arrêtons de parler des Américains. Le problème, c'est nous!"
Il a raison! Il cite les problèmes de gouvernance qui ne s’est pas adaptée après l’élargissement, l’accumulation de textes réglementaires, parfois utiles, mais souvent trop complexes à mettre en œuvre. Bonnafé cite aussi la question de la compétitivité avec l’alourdissement permanent des exigences en fonds propres, quand le Royaume-Uni et les États-Unis se rendent compte que ce n'est plus une nécessité aujourd'hui.
Quant aux promesses de simplification qui viennent d’être faites par Ursula von der Leyen, "c’est de la réclame", estime le patron de BNP Paribas. On ne saurait être plus clair.
Ce discours, je l’entends de la bouche de beaucoup de dirigeants de grands groupes, bancaires et autres. Il faut l’entendre.
Alors que faut-il faire? D’abord, il faut accélérer. L’Europe est d’une lenteur dramatique. Les élections ont eu lieu au printemps, la désignation des commissaires à l’été, leurs auditions à l’automne pour une mise en place de la Commission à l’hiver. On a passé les quatre saisons sans avoir le début du moindre texte.
Von der Leyen a présenté la semaine dernière sa "boussole de compétitivité", mais la directive omnibus qui doit simplifier les normes pesant sur les entreprises n’est pas attendue avant le 26 février. Neuf mois après les élections!
Donald Trump n'avait même pas reçu son investiture qu’il commençait à faire bouger les lignes sur la scène internationale et sur les marchés et a signé 100 executive orders en 100 heures. Vous voyez le décalage?
Ensuite, il faut s’attaquer aux vrais problèmes. Reporter la CRDS sur le reporting extra-ou abroger la CS3D sur le devoir de vigilance c’est très bien, mais ce n’est pas ça qui va nous réarmer face aux États-Unis ou à la Chine.
Appliquer le rapport Draghi
Ce qu’il nous faut, on le sait très bien: c’est sur la table de Bruxelles depuis un an, c’est le rapport Draghi. C’est une vraie union des marchés de capitaux, de l’investissement commun, une défense commune, une Darpa à l’Européenne, une explosion des dépenses de R&D parce qu’on n’est pas plus idiots que les autres, mais qu’on manque de moyens et d'un marché beaucoup, beaucoup plus intégré.
Il faut par ailleurs arrêter de nous tirer des balles dans le pied comme on le fait régulièrement, par exemple avec les normes CAFE sur les émissions de CO2 dans l’industrie automobile. Un système dément qui menace de 15 milliards d’euros d’amendes nos constructeurs alors qu’ils traversent une crise majeure et qui va les pousser à acheter des crédits carbone à Tesla ou BYD... On marche sur la tête!
Dernier point, nous entrons dans l’ère des mastodontes. Alors il va falloir revoir de fond en comble notre droit de la concurrence pour permettre l’émergence de champions européens. Mais de cela, personne ne parle pour l'instant chez nos dirigeants européens.