Brexit: l'UE prépare sa riposte face aux menaces britanniques sur l'accord nord-irlandais

Le Premier ministre britannique Boris Johnson (g) et la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, le 9 décembre 2020 à Bruxelles - Aaron Chown © 2019 AFP
Jusqu’où ira le gouvernement britannique? Deux ans après la signature du protocole nord-irlandais avec l’Union européenne, le Royaume-Uni exige désormais une révision complète de texte. Et menace même de le déchirer s’il n’obtient pas gain de cause.
Cela fait plusieurs semaines que Boris Johnson et son gouvernement dénoncent ce protocole qui maintient l’Irlande du nord dans l'union douanière et le marché unique européens. Objectif recherché: empêcher le retour d'une frontière physique sur l'île d'Irlande qui risquerait de fragiliser l'accord de paix de 1998. Le revers de la médaille, c’est que cette situation crée de fait une frontière en mer d’Irlande, entre la Grande-Bretagne et la province britannique. Inacceptable pour les unionistes qui dénoncent une différence de traitement incompréhensible avec le reste du pays.
Peu après son entrée en vigueur début 2021, le protocole a de surcroît entraîné des difficultés d’approvisionnement en Irlande du Nord et réveillé les tensions dans les ports où des douaniers ont été pris pour cible. Pour éviter l’embrasement, le gouvernement de Boris Johnson a reporté à plusieurs reprises l’entrée en vigueur de nouveaux contrôles sur certaines marchandises à destination de l’île.
Cette politique du moratoire a toutefois ses limites. La première étant qu’elle ne peut être permanente. Le ministre britannique du Brexit, David Frost, a donc fini par aller toquer à la porte de l’Union européenne pour réclamer une renégociation en profondeur du protocole nord-irlandais, la "seule manière" selon lui "de protéger notre pays, notre peuple, notre commerce, notre intégrité territoriale, notre processus de paix".
Le Royaume-Uni brandit la menace de l'article 16, l'UE fait un geste
Pas opposé à quelques aménagements du texte, Bruxelles s’est en revanche toujours dit contre une révision complète de l’accord. Ce qui n’arrange pas vraiment les affaires de Londres. D’où la menace de David Frost de déclencher l’article 16 qui permet à une des parties de l’accord de prendre des mesures allant à l’encontre du protocole si les dispositions de celui-ci causent de "graves difficultés économiques, sociétales ou environnementales susceptibles de persister".
La semaine dernière, l’Union européenne a fait un geste en proposant d’alléger sensiblement les contrôles phytosanitaires et les formalités douanières pour un large éventail de marchandises destinées à la seule consommation de l’Irlande du Nord et qui n’entreront donc pas dans le marché unique européen.
"Je pense que l'UE a vraiment fait un effort en allant au-delà" de ce qu'elle propose d'habitude, a reconnu David Frost. "Mais il y a bien sûr de grandes divergences et c'est ce dont nous allons parler aujourd'hui", a encore déclaré le ministre vendredi lors d’un déplacement à la Commission européenne.
La plus importante de ces divergences est celle du droit de regard de la Cour de justice de l'Union européenne sur la mise en oeuvre du protocole nord-irlandais. Les Britanniques souhaiteraient plutôt instaurer un "arbitrage international" pour faire respecter les lois du marché unique en Irlande du Nord. Une modification inacceptable aux yeux des Européens.
Guerre commerciale
Malgré les propositions de l’UE, la menace de l’article 16 brandie par les Britanniques n’est donc toujours pas levée. Pour parer à toute éventualité, la France, l’Allemagne et les Pays-Bas, soutenus par l’Espagne et l’Italie, ont demandé à la Commission européenne de préparer un plan de riposte "solide et proportionné", selon des diplomates cités par le Financial Times.
Parmi les solutions envisagées, une guerre commerciale qui se traduirait par des contrôles de marchandises renforcés et des droits de douane sur les exportations britanniques. L’approvisionnement en électricité et en gaz du Royaume-Uni par l’UE pourrait également être restreint.
Maros Sefcovic, le négociateur de l’UE pour le Brexit, a toutefois dit préférer la "voie constructive" pour résoudre les problèmes entre Londres et Bruxelles en considérant l’accord existant sur le Brexit comme une "base de référence".
Mais "la question est de savoir pourquoi conclure de nouveaux accords avec le Royaume-Uni, si deux accords aussi importants (le protocole nord-irlandais et l’accord de commerce et de coopération) ne sont pas respectés?. (…) Je ne pensais pas que nous aurions cette discussion avec un pays comme le Royaume-Uni. Une fois que vous avez signé un accord, vous le respectez", a lâché Maros Sefcovic.