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"Une forme de miracle": le nouveau ministre de l'Economie Eric Lombard a échappé aux attentats du 11-Septembre

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A l'époque où il travaillait à BNP Paribas, Eric Lombard devait se rendre dans la tour sud du World Trade Center le matin du 11 septembre afin de finaliser le rachat de la banque d'affaires américaine Keefe Bruyette.

Il y a un peu plus de 23 ans, le destin du nouveau ministre de l'Economie aurait pu basculer et s'est finalement joué à une demi-heure près. Le 11 septembre 2001, Eric Lombard, alors banquier chez BNP Paribas, avait rendez-vous à 8h30 dans la tour sud du World Trade Center à New-York. Déjà présent dans le bâtiment la veille, il devait y retourner afin de finaliser le rachat de Keefe Bruyette, une prestigieuse banque d'affaires américaines, après avoir obtenu le feu vert de la direction générale de son groupe à Paris.

"On avait rendez-vous à 7h ou 7h30 à la banque BNP Paribas qui était au milieu de Manhattan, se souvient-il dans le podcast 'Secrets de dirigeants' de Radio Classique. Je dis aux équipes 'allons-y tout de suite, le sujet est réglé' et le patron de la banque à New-York me dit 'on a rendez-vous à 8h30, ne nous pressons pas'."

"Puis il est arrivé ce qui est une forme de miracle en ce qui me concerne. Le président de la banque [Keefe Bruyette] a donné un coup de téléphone pour dire 'finalement j'accompagne mon fils à l'école ce matin donc on décale le rendez-vous à 9h'."

Depuis les locaux new-yorkais de BNP Paribas, Eric Lombard a vu sur les tours jumelles. "On aurait dû être parti à 8h45 mais mes collègues n'étaient pas pressés, se remémore-t-il. On était dans les bureaux et on regardait les tours, en train de boire un café. Puis à ce moment, l'un de nous dit qu'un des étages est en feu. On n'a pas vu l'avion parce qu'on n'avait pas les yeux rivés sur les tours. On voit l'étage en feu et puis après, on a vu le deuxième avion s'encastrer et on a compris de quoi il s'agissait."

"Un moment de choc absolument terrible"

Entouré de ses équipes, Eric Lombard assiste médusé à l'effondrement du premier bâtiment, la tour sud dans laquelle il était censé se trouver : "J'ai eu l'impression que j'étais aspiré par le sol. On a eu un moment de choc absolument terrible parce que ça concernait des personnes qu'on avait vues la veille."

"Enorme brouillard, j'ai mis jusqu'au soir, et encore, pour retrouver mes esprits", déclare-t-il encore.

En raison des mesures de sécurité drastiques immédiatement prises par le gouvernement américain, le banquier de BNP Paribas a dû prolonger son séjour outre-Atlantique d'une semaine. "On attendait un avion qui partait de Toronto, explique-t-il. On a loué une voiture pour aller à Toronto avec Baudoin et deux autres collègues. On est parti en road-trip de nuit, on est arrivé au petit matin. Au milieu de la nuit, en traversant une forêt sur l'autoroute, la voiture crève et on s'est dit 'dure semaine décidément'."

L'opération tombe à l'eau

La banque d'affaires américaine Keefe Bruyette a perdu 70 personnes, soit un tiers de ses effectifs, lors des attentats du World Trade Center. "Deux jours après, il fallait qu'ils se remettent au travail, raconte Eric Lombard. On les a donc accueillis dans les bureaux de la banque qui avaient rouvert dans le bâtiment central [...] Quand ils sont sortis de l'ascenseur, on a installé les équipes de direction dans le nouveau bureau et nous ont dit qui s'en était sorti. C'était un moment affreux par la tristesse de ceux qui avaient disparu et affreux par une joie coupable de voir qu'untel qu'on aimait beaucoup était toujours là."

"Quand on les a vus sortir de l'ascenseur, ça m'a rappelé une image que je n'ai pas vécue mais qui était le retour des camps : qui a survécu et qui n'a pas survécu ? Parce qu'à ce moment-là, on ne savait pas."

Alors qu'il souhaitait maintenir la finalisation de l'opération pour "des raisons morales et stratégiques", Eric Lombard s'est heurté au refus de la direction générale. "Il était prévu que je prenne la direction de cette banque en plus de mes responsabilités à Paris donc la suite aurait probablement été différente", indique celui qui est désormais à la tête de Bercy.

Timothée Talbi