"Socialement inacceptable" ou "positif pour l'entreprise"? Les patrons divisés sur les 7 heures de travail gratuit par an

Une proposition "baroque". C'est ainsi que le secrétaire général du SDI (Syndicat des indépendants et des TPE) a qualifié l'idée, remise à l'ordre du jour par le gouvernement ce dimanche, d'instaurer une journée de travail supplémentaire non payée.
L'idée de faire travailler les Français 7 heures de plus par an "gratuitement" pour financer la Sécurité sociale et le secteur du grand âge avait été votée par le Sénat en novembre dernier. Mais elle n'avait pas passé l'épreuve du vote à l'Assemblée nationale, les députés ayant voté la censure.
La ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités a décidé de remettre la proposition sur la table. "Cette mesure peut, en 2025, générer deux milliards d'euros de recettes fléchées vers les dépenses sociales", a déclaré Catherine Vautrin dans un entretien au JDD dimanche 19 janvier.
En contrepartie de cette journée de travail "gratuit", les employeurs verraient leur taux de contribution de solidarité pour l'autonomie passer de 0,3% à 0,6%. À l'époque, le Medef n'avait pas émis d'objection frontale. "Sur les 7 heures de travail supplémentaires sans rémunération: il est impératif qu'on travaille plus dans ce pays", avait réagi son président Patrick Martin.
"Laissons aux partenaires sociaux, qui travaillent très bien, dans les branches, dans les entreprises, le soin d'organiser ça."
Une mesure qui ne sera pas appliquée?
De son côté, Marc Sanchez, secrétaire général du SDI, n'y voit qu'une "augmentation du coût du travail". Il estime que la majorité des entreprises ne vont pas la mettre en place, et que la conséquence sera une hausse de leurs charges. "La visibilité à 7 heures par an pour un chef d’entreprise ne veut rien dire dans les faits. La gestion de ces heures cadeaux se finira par un abandon", anticipe-t-il, invoquant l'exemple du lundi de Pentecôte.
"Demander à nos salariés de travailler gratuitement n’est pas une option socialement acceptable."
Cette idée "ne correspond pas à l’ADN des responsables de TPE dont l’écrasante majorité souhaiterait être en mesure d’augmenter les rémunérations contre un temps de travail supplémentaire", assure-t-il.
"C’est aussi positif pour l’entreprise"
À l'inverse, Christian Poyau, PDG de l'entreprise de services du numérique Micropole, estime que la mesure pourrait avoir des bénéfices, à condition que les salariés travaillent effectivement une journée de plus par an, et pas 2 minutes supplémentaires par jour.
Le texte adopté par les sénateurs proposait en effet un dispositif "souple", qui laisse la main aux partenaires sociaux pour décliner les modalités de mise en place. Ainsi ces 7 heures pourraient être fractionnées dans le temps, ce qui reviendrait, pour les salariés, à travailler 10 minutes de plus par semaine ou 2 minutes supplémentaires par jour.
Christian Poyau argue qu'avec un jour de travail supplémentaire, "les salariés vont créer plus de richesses": "Ce n'est pas juste une surcharge du coût du travail, c’est aussi positif pour l’entreprise. Une journée, ce n'est pas colossal, mais c'est tout de même quelque chose", estime le chef d'entreprise.
"Il faudrait que le taux d’emploi augmente"
Pour Olivier Babeau, président de l'institut Sapiens, cette proposition ne cible pas les bonnes personnes. Selon lui, rien ne sert de s'attaquer aux personnes qui travaillent "parce qu'en France on bosse pas mal".
"Le problème, c’est qu’il y a trop de gens qui ne travaillent pas pour le nombre d’actifs, il faudrait que le taux d’emploi augmente, surtout au début et à la fin de la vie", explique-t-il sur BFM Business. Ainsi plutôt que de mettre à contribution les salariés, il s'agirait selon lui de réduire le taux de chômage, de reculer l'âge de la retraite ou d'encourager l'apprentissage.
"Si les Français avaient le même taux d’emploi que les Allemands, on n'aurait plus de déficit", abonde Christian Poyau.
La méthode employée par le gouvernement fait aussi bondir Patrick Bertrand, directeur des opérations chez Holnest et ex-dirigeant de la société Cegid. "C'est accablant du point de vue de l'art de gouverner et de légiférer", tacle-t-il sur BFM Business.
"Plutôt que d’aborder les sujets graves auxquels nous sommes confrontés, on a une multitude de petites mesures, j’aimerais plutôt entendre des sujets qui vont porter sur le long terme", a-t-il réagit.