Travailler "gratuitement" 7 heures par an: des doutes sur l'acceptation sociale et les objectifs

Un ouvrier sur un chantier en France - Philippe LOPEZ © 2019 AFP
Une nouvelle mesure est sortie du chapeau des sénateurs pour combler les déficits. Faire que les actifs travaillent 7 heures de plus par an sans rémunération pour financer la Sécurité sociale.
"En échange du bénéfice de ces heures de travail non rémunérées", les employeurs verraient le taux de l'actuelle contribution de solidarité pour l'autonomie "passer de 0,3% à 0,6%", selon la commission des Affaires sociales. Cette contribution des actifs rapporterait "2,5 milliards d'euros" à la branche autonomie de la Sécurité sociale, a indiqué le président de la commission des Affaires sociales du Sénat, Philippe Mouiller (LR, Deux-Sèvres), dans une conférence de presse.
Sur BFMTV ce vendredi, l'économiste Frédéric Bizard, économiste et spécialiste des questions de protection sociale et de santé, émet de sérieuses réserves.
"Aujourd'hui, on a une productivité qui est plus faible, donc si on veut rester compétitif et ne pas se paupériser par rapport aux autres pays, il faut travailler collectivement plus", admet-il.
"Du sang, de la sueur et des larmes"
"Mais la question est de savoir pour quoi faire? Si c'est pour que les gens s'enrichissent davantage, oui. Si c'est pour renflouer les caisses de la Sécurité sociale pour permettre une vraie refonte du système de santé ou de la gestion de la perte d'autonomie, pourquoi pas. Mais là, c'est pour éponger les dettes, mais sans qu'il y ait amélioration des services rendus. Donc ça me paraît plus difficile à vendre aux Français".
"Vous allez travailler gratuitement une journée de plus sans que le système de gestion de la perte d'autonomie s'améliore", poursuit-il.
"Les Français sont lucides, ils sont prêts à faire des efforts, mais ils sont également lucides sur l'état des services publics, de la Sécurité sociale qui a un déficit qu'on a jamais connu hors période de crise (18 milliards d'euros en 2024)", souligne le spécialiste.
"Pas très juste sur le plan social"
"On annonce du sang, de la sueur et des larmes, mais sans perspective d'améliorations structurelles. Il n'y a aucune réforme structurelle. Ne pas proposer de réforme de structure sur la santé, les Ephad qui sont à l'os et qui sont un concept mort, il faut restructurer".
"La difficulté de vendre ce 'plus de travail', ce n'est pas, ni plus de travail pour plus de revenus, ni plus de travail pour des services publics plus performants, ni pour avoir des comptes à l'équilibre", souligne Frédéric Bizard.
Par ailleurs, l'économiste estime que cette mesure sera très difficile à assumer "pour ceux qui ont un travail pénible. Rajouter sept heures non rémunérées quand vous êtes payé proche du Smic, c'est un effort supplémentaire très important. Donc cette mesure n'est pas très juste sur un plan social et ça ne règle rien. Je crains qu'il n'y ait pas d'acceptation sociale de cette mesure"
Et de plaider pour une "vraie refonte" de gestion de l'autonomie, du système de santé.