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Réforme des retraites: que vont faire les syndicats de leurs (nombreux) nouveaux adhérents?

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Les principaux syndicats ont enregistré une forte hausse du nombre d'adhérents depuis le début du mouvement social contre la réforme des retraites. Ils réfléchissent déjà à l'intégration sur le long terme de ces nouveaux profils.

La bataille de la réforme des retraites est peut-être perdue pour ses opposants, mais les syndicats n'en ressortent pas affaiblis. Au contraire: le nombre d'adhérents des différentes organisations ne cesse de grimper depuis le début du mouvement social.

"C'est spectaculaire. Ça explose depuis le début de l'année et on a même du mal à suivre les chiffres", confirme Catherine Giraud, secrétaire confédérale CGT.

Au début du mois de mai, la CGT dénombrait plus de 40.000 nouvelles adhésions depuis le début de l'année, soit autant que l'entière année précédente. La CFDT, de son côté, a comptabilité un peu plus de 43.000 nouveaux adhérents sur les cinq premiers mois de l'année, contre 8000 nouveaux adhérents sur toute l'année précédente.

"Réappropriation des syndicats par les travailleurs"

"On nous avait dit morts pendant les gilets jaunes et les confinements, c'est la preuve que non", avance Cyrille Lama, secrétaire fédéral de Force Ouvrière, qui note une "réappropriation des syndicats par les travailleurs" grâce au mouvement contre la réforme des retraites. Son organisation estime qu'environ 25.000 nouvelles personnes l'ont rejointe entre janvier et mai 2023.

"C'est la preuve par les chiffres que le syndicalisme revient en force", affirme Lydie Nicol, secrétaire nationale CFDT.

Surtout, ce qu'ont constaté tous les syndicats, c'est la (très) forte hausse des adhésions en ligne. Classiquement, le recrutement syndical se déroule normalement sur le terrain, au sein des entreprises ou dans les cortèges des manifestants. Si ce travail de proximité a gardé toute son importance dans le mouvement social, les adhésions spontanées ont pris de la place. Un signal positif, car cela signifie "que l'on touche des personnes éloignées des syndicats et du syndicalisme de manière générale", explique-t-on du côté de la CFTC, où la hausse des adhésions en ligne a frôlé 200%.

Jeunes et salariés du privé

Les nouvelles adhésions reflètent les cortèges qui ont battu le pavé un peu partout en France ces derniers mois. De nombreux jeunes – les personnes de moins de 35 ans représentent 35% des nouvelles adhésions à la CGT, par exemple – mais surtout beaucoup de salariés du privé, notamment de petites et moyennes entreprises où le syndicalisme ne s'était pas forcément structuré jusqu'à présent. On retrouve également des employés de particuliers, notamment les femmes de ménage, ou même des salariés de petites structures comme les boulangeries.

"C'est une diversification intéressante, car elle permet à la CGT d'aller au-delà de ses bastions historiques" du secteur public et des grandes entreprises, souligne Catherine Giraud.

Que faire de ces nouveaux adhérents?

Mais ne faut-il pas craindre un regain éphémère? Pas de panique pour les syndicats, qui assurent être prêts à accueillir ce nouveau vivier de militants. Formations, rencontres, stages, webinaires: l'objectif est d'intégrer rapidement les nouveaux adhérents à la vie de l'organisation. À l'approche des élections professionnelles, il faut aussi leur trouver une place sur les listes de candidats. "Ces nouveaux adhérents veulent pleinement s'engager" dès leur arrivée au sein du syndicat, "ce sont des profils que l'on ne voyait pas autant auparavant", note Cyrille Lama.

Garder les nouveaux adhérents "passera aussi par les victoires que l'on obtiendra à l'avenir", avance-t-on à la CFTC.

Car c'est là que réside le principal intérêt d'une forte hausse des adhésions: peser davantage dans le milieu syndical, via les résultats des élections professionnelles, et faire mieux entendre ses revendications des entreprises jusqu'au sommet de l'État – sans oublier qu'il s'agit aussi d'une nette hausse des revenus grâce aux cotisations syndicales. "Le nombre d'adhérents crée le rapport de force", explique Lydie Nicol, secrétaire nationale CFDT. Avec, à l'horizon syndical, les prochaines batailles de l'emploi des seniors, de la pénibilité ou des hausses de salaires.

Jérémy Bruno Journaliste BFMTV