Pour lutter contre la fraude, la Suisse veut espionner les bénéficiaires des aides sociales

Des détectives assermentés pourront être dépêchés pour voir si l'assuré mérite bien les prestations qu'il touche. - Free Photos- CC
Jusqu'où peut-on aller dans la surveillance des assurés sociaux? C'est une question qui fait débat actuellement en Suisse, alors qu'une votation se tiendra le 25 novembre autour d'une modification de la loi fédérale du droit des assurances sociales. Le nouveau texte vise à renforcer les moyens de contrôle des personnes bénéficiaires de prestations sociales.
Il donnera la possibilité aux assurances d'ouvrir une enquête sur les personnes soupçonnées de fraude. Des détectives assermentés pourront être dépêchés pour voir si l'assuré mérite bien les prestations qu'il touche. Mais leur champ d'action ira bien au-delà de la filature dans I'espace public pour voir si celui (celle) qui prétend souffrir d'une pathologie l'empêchant de travailler est en fait en train de simuler. Ils auront le droit de filmer ou d'enregistrer les faits et gestes de ces assurés si leur lieu d'observation "se trouve dans un lieu accessible au public ou dans un lieu qui est librement visible depuis un lieu accessible au public".
Des traceurs GPS pour suivre les assurés
Concrètement, un détective pourra braquer sa caméra sur une personne en train de jardiner ou de se reposer sur son balcon si ceux-ci sont visibles depuis la rue sans voir besoin d'autorisation judiciaire. Les opposants du texte craignent certaines dérives, rien n'empêchant la prise de vue dans certaines pièces du domicile, si des fenêtres donnent sur la rue par exemple.
Des traceurs GPS pourront aussi être placés sur les véhicules pour surveiller les allers-retours des assurés, mais dans ce cas, une autorisation d'un juge sera nécessaire. Les drones pourront aussi être utilisés pour repérer les assurés, mais sans effectuer d'enregistrements visuels et sonores.
Donner un cadre légal à des pratiques déjà utilisées
Le texte de loi prévoit que l'observation est limitée à 30 jours maximum sur une période de six mois, avec possibilité de prolongation de six mois supplémentaires si des motifs suffisants le justifient. Au terme de la période d’observation, l'assuré sera informé des conclusions et aura la possibilité d’agir en justice. En cas de rejet de la modification, aucune observation ne sera possible.
L’assurance invalidité (AI) et l’assurance accidents (Suva) devraient être les principales utilisatrices de ce texte, mais toutes les assurances sociales pourront y recourir. Le texte a d'ailleurs été fait pour donner un cadre légal à des pratiques auxquelles elles ont déjà eu recours. La Cour européenne des droits de l'Homme a condamné la Suisse en 2016, pour violation du droit au respect de la vie privée. L'assurance avait fait appel à un détective privé pour suivre un bénéficiaire qui ne voulait pas se soumettre à une expertise médicale. Cette modification de la législation devrait donc fournir un cadre réglementé à ces surveillances.