Les Français les plus aisés, premiers perdants des réformes fiscales menées depuis 10 ans

- - Pexel
"Il faut aller au bout de la réforme de la taxe d'habitation." Après avoir laissé entendre que le gouvernement pourrait maintenir la taxe d'habitation pour ls plus aisés, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a rétropédalé ce matin en assurant que ce ne serait finalement pas le cas. Les 20% de ménages les plus aisés peuvent pousser un "ouf" de soulagement. Pour information, un contribuable "aisé" qui continue aujourd'hui à payer sa taxe d'habitation c'est 2500 euros de revenu par mois pour un célibataire. Pas vraiment la grande richesse.
Et si cette piste avait finalement été retenue, elle aurait probablement fait grincer des dents ces Français de la classe moyenne supérieure qui expriment eux aussi un ras le bol fiscal. Selon une étude de l'OFCE réalisée à partir de données de l'Insee, ce sont les contribuables les plus aisés qui ont subi l'impact le plus important des mesures fiscales mises en place dans l'Hexagone depuis 2008.
"Si l'on met de côté les très riches, on peut considérer que ces 20% de Français aisés font partie des oubliés de l'actuelle politique socio-fiscale, aux côtés de certains ménages très pauvres, alors qu'ils avaient déjà été les plus mis à contribution entre 2008 et 2016", assure Pierre Madec dans les Echos, économiste à l'OFCE qui a co-signé en novembre dernier un rapport sur les réformes sociales et fiscales et leur poids sur le revenu des ménages.
Ces dix dernières années, pour rétablir l'équilibre des dépenses publiques, la pression fiscale s'est accentuée sur les Français les plus aisés. D'abord avec l'impôt sur le revenu qui on le rappelle est payé par seulement à peine plus de quatre ménages sur dix en France. une partie d'entre eux ont vu le montant réclamé par le fisc gonflé par la création d'une nouvelle tranche supérieure à 45% en 2012, puis par le gel des barèmes entre 2011 et 2013 qui a été désindexé de l'inflation (des contribuables gagnant un peu plus sont passés à la tranche supérieure qui n'a pas été ré-évaluée sur la période), et enfin par la baisse des plafonds du quotient familial.
A cela il faut ajouter la fiscalité des revenus financiers, qui a beaucoup augmenté notamment sur la période 2012-2017 avec la hausse de l'impôt sur le revenu, la CSG, la CRDS et enfin l'augmentation des cotisations vieillesse qui venu rogner le salaire net des salariés du privé.
Toutes ces mesures dites de justice sociale ont permis de réduire un peu le déficit public (il était de 7,2% du PIB en 2009 contre 2,6% en 2017) mais elles ont exclusivement porté sur les 50% les plus aisés. Et en particulier la moitié la mieux lotie d'entre eux. Les classes moyennes inférieures ont bénéficié de la suppression en 2015 de la tranche de 5,5% qui portait sur le revenus compris entre 6.000 et 12.000 par an. Les Français les moins aisés ont vu les minima sociaux augmenter avec la transformation du RSA en prime d'activité.
5640 euros de moins par an pour les plus aisés
Les auteurs de l'étude ont ainsi découpé la population française en 20 tranches de revenus (les vingtiles) et ont mesuré l'impact des mesures fiscales entre 2008 et 2016. Le résultat c'est que jusqu'au revenu médian (20.520 euros en France en 2016), les ménages ont bénéficié des mesures fiscales: +450 euros et +890 euros par an pour les 10% de revenus les plus bas par exemple. Mais à partir du revenu médian (le 11ème vingtile), la tendance s'inverse et les ménages commencent à perdre. Et la perte de revenus devient particulièrement importante (plus de 1000 euros par an) à partir du 16ème vingtile, soit pour les 25% de ménages aux revenus les plus élevés. Concrètement la politique fiscale entre 2008 et 2016 a fait perdre 5640 euros par an aux 5% des ménages les plus riches et 2370 euros par an aux 5% suivants. Pour rappel, on parle ici de ménages dont le revenu annuel était supérieur en 2016 à 37.570 euros par an, soit 3130 euros par mois.
Le gouvernement actuel a-t-il inversé la tendance? En partie seulement. Les plus riches ont bénéficié de la suppression de l'ISF et de la mise en place du PFU de 30% (dite "flat taxe") sur les revenus financiers. Les salariés du privé ont eux bénéficié de la baisse des cotisations sur leur fiche de paie (la suppression des cotisations chômages en octobre notamment). Plus pour certains d'entre eux de la mise en place des heures supplémentaires défiscalisées annoncées en décembre par Emmanuel Macron. Les grands perdants restent les retraités qui avec la hausse de la CSG vont voir leur revenu baisser de 3% entre 2017 et 2019 selon l'Institut des politiques publiques.
