La France avait la plus faible mortalité infantile d'Europe en 1990, elle n'est plus que 23ème: les inégalités économiques en seraient la cause majeure

La main d'un nouveau-né prématuré tenant le doigt de sa mère dans un service de néonatalité dans un hôpital, le 1 mars 2023. - ASTIER / BSIP via AFP
Certains bébés ont plus de risques de mourir que d'autres. Depuis 2012, on observe une hausse significative de la mortalité infantile en France. Plus précisément, cette accélération est principalement due à l'augmentation de la mortalité néonatale (décès entre la naissance et le 28e jour du bébé).
Alors que l’espérance de vie progresse et que la mortalité des plus âgés recule, la France connaît une stagnation préoccupante de la mortalité infantile, voire une légère hausse depuis 2020 et ce après des décennies de baisses sans discontinuer.
Pire, la France signe une des pires performances en la matière en Europe, se classant 23ème sur 27 alors qu'elle était en tête en 1990.
En 2022, le taux de mortalité infantile (mortalité pendant la première année de vie) atteignait 4,5‰ chez les garçons et 3,7‰ chez les filles pour toute la France (4,3‰ et 3,6‰ en France métropolitaine), indique l'Ined, contre respectivement 3,5‰ et 3,0‰ en moyenne dans l’UE.
Une chute assez mystérieuse que les experts peinent à expliquer. Dans son enquête l'Ined avant quelques pistes.
Immigrées, locataires, familles monoparentales
"Facteurs médicaux et état de santé des mères, inégalités territoriales et sociales d’accès aux soins, qualité de la prise en charge ou encore amélioration de la prise en charge des grands prématurés qui permet à certains nouveau-nés de survivre quelques heures ou jours avant de décéder."
La question des inégalités semble être une clé importante pour comprendre le phénomène. Une nouvelle étude, publiée ce mardi 16 septembre dans la revue médicale BMJ Medicine, a cherché savoir quels étaient les territoires et les populations les plus touchés. Les résultats montrent que les mères habitants dans des communes socio-économiquement défavorisées ont plus de risques de voir leur enfant décéder dans les premiers jours suivant sa naissance.
Pour arriver à ce résultat, l'équipe de recherche de l’Inserm, de l’Université Paris Cité, de l’Inrae, de l’Université Paris Nord et de l’APHP a élaboré un indice de désavantage social. Il compile différents facteurs associés à l’état de santé des nouveau-nés dans de précédentes études: le taux de chômage, le pourcentage de personnes immigrées dans le secteur, la proportion de locataires, de familles monoparentales, et le revenu médian par ménage.
Un taux de mortalité 1,7 fois plus élevé
Les scientifiques ont ensuite croisé cet indicateur avec le taux de mortalité néonatale, et les résultats mettent en lumière d’importantes inégalités. Ainsi les enfants des communes les plus défavorisées présentent un risque de mourir dans leurs 28 premiers jours 1,7 fois supérieur par rapport aux enfants des communes les plus favorisées (3,34 décès pour 1.000 naissances contre 1,95 décès).
"Si toute la population avait le même risque de mortalité néonatale que les 20% les plus favorisés, on estime qu’environ un quart des décès, soit 2.496 décès de nouveau-nés, auraient pu être évités rien que sur la période entre 2015 et 2020", indique Victor Sartorius, un des auteurs de l'étude.
Pour expliquer ce phénomène, on peut citer des caractéristiques qui sont statistiquement liées au niveau socio-économique, comme le surpoids, le tabagisme et l’exposition à la pollution, et qui entraînent un risque plus élevé de prématurité ou de petit poids de naissance chez le bébé, qui sont eux même des facteurs de risque de décès néonatal.
Selon l'étude, des considérations éthiques et personnelles pourraient aussi jouer un rôle, comme la décision de recourir ou non à une interruption médicale de grossesse pour certaines maladies fœtales.
Des décès évitables?
Mais les scientifiques appellent aussi à regarder du côté de l’organisation de notre système de soin.
"On sait que l’accès aux soins et la capacité des résidents à se saisir du système de santé est réduit dans les territoires défavorisés", ajoute Victor Sartorius.
"De plus, les forts taux d’occupation dans les unités qui prennent en charge les nouveau-nés en état critique couplés aux sous-effectifs pourraient aussi être une hypothèse parmi les causes à explorer."
"Selon une récente analyse de la Haute Autorité de santé (HAS), 57% des événements indésirables graves liés aux soins chez les nouveau-nés, tels que les décès, auraient pu être évités", rappelle également Jennifer Zeitlin.
La chercheuse appelle à "améliorer l’organisation de l’offre de soins et les conditions de prise en charge des patients, notamment dans les territoires les plus fragiles", grâce à "un renforcement des effectifs, une meilleure formation des soignants et des infrastructures adaptées, par exemple".