Demander des heures obligatoires aux bénéficiaires du RSA? Pourquoi ce n'est pas si simple

En tête de tous les sondages, le candidat Emmanuel Macron fixe déjà ses premiers objectifs pour un éventuel deuxième quinquennat. Le premier d'entre eux: le plein emploi. "Nous avons déjà fait la moitié du chemin, on peut l'atteindre" martelait encore ce lundi matin, le président du groupe LaREM à l'Assemblée nationale Christophe Castaner sur BFMTV-RMC.
Alors pour y arriver, le chef d'Etat promet de durcir les conditions du Revenu de solidarité active (RSA) en le conditionnant à "une obligation de consacrer 15 à 20 heures par semaine à une activité permettant d’aller vers l’insertion professionnelle."
"C'est une mesure essentielle et je refuse de tomber dans les mauvais procès, dans la caricature. Aider quelqu’un dans l'insertion, c'est toujours mieux que de lui donner une allocation. L'allocation, c'est la réponse des lâches" assure Christopher Castaner.
D'un montant de 565,34 euros par mois (pour une personne seule), le RSA est le dernier filet de sécurité pour ceux qui ne travaillent pas. En théorie, tous les bénéficiaires doivent rechercher un emploi ou entreprendre les actions nécessaires à leur insertion sociale et professionnelle.
Tests grandeur nature
Selon le décompte de décembre 2021, 1,91 million de personnes bénéficient du RSA en France, un chiffre en hausse de 600.000 depuis 2010. Pour le candidat Macron, conditionner le RSA doit donc permettre de les sortir de "la précarité". Autre objectif – caché – de cette mesure: diminuer le poids des minimas sociaux sur les finances publiques.
En réalité, Macron n'est pas le premier à réclamer une telle mesure… ni même à la mettre en place. Actuellement, la collectivité européenne d'Alsace et le département de l'Aisne ont mis en place un conditionnement à l'octroi du RSA - qui est versé au niveau départemental (sauf pour la Seine-Saint-Denis).
En 2016, le président du conseil départemental du Haut-Rhin Eric Straumann (LR) est ainsi le premier à briser le tabou en réclamant sept heures de bénévolat par semaine. "Sept heures par semaine, ce n’est pas énorme. Je suis sûr qu’on ne me manquera pas d’activités, il y a plein d’associations qui manquent de bras" assurait-il à l'époque.
Rapidement, la décision avait viré au bras-de-fer judiciaire, le préfet ayant attaqué la décision devant le tribunal administratif. En 2018, le Conseil d'Etat donne finalement raison au département (qui fusionnera par la suite avec le Bas-Rhin pour donner naissance à la collectivité européenne d'Alsace) mais la polémique avait déjà contraint son président à faire marche arrière: finalement, le bénévolat sera volontaire. L'Aisne a suivi le mouvement, sous l'impulsion du président du conseil départemental Nicolas Fricoteaux.
Dans les deux cas, le conditionnement du RSA n'est donc pas obligatoire. Sans surprise, le nombre de bénéficiaire ayant accepté de cette mesure est plutôt faible: 1300 bénéficiaires (soit 3% d'entre eux) dans le Haut-Rhin.
Myriades d'exceptions?
Cela peut s'expliquer par un simple refus des personnes concernées mais aussi par des inaptitudes au travail pour un grand nombre d'entre eux. "La part des bénéficiaires du RSA qui présentent une détresse psychologique est particulièrement élevée, 36 % versus 14 % dans le reste de la population", soulignait en 2014 un rapport de la Drees. Dans sa décision de 2018, le Conseil d'Etat avait d'ailleurs différencié ceux qui pouvaient occuper un emploi de ceux qui ne le pouvaient pas.
Légalement, le Conseil d'Etat a validé le conditionnement du RSA. En pratique, cela risque bien de ressembler à une usine à gaz avec de nombreuses exceptions.
"On va prendre en compte la situation d'une mère isolée, par exemple avec deux enfants, qui ne peut pas avoir les mêmes disponibilités, les mêmes moyens" indique Christophe Castaner.
Quid des femmes et hommes au foyer? Devront-ils choisir entre le RSA et la garde de leurs enfants?
Et quand bien même on ne prendrait que la moitié des allocataires, il s'agirait de trouver, du jour au lendemain, de quoi occuper un million de personnes, qui ne peuvent pas forcément se déplacer, faute de véhicule ou de transport en commun…
"Aujourd'hui, on n'est pas en capacité de proposer suffisamment de solutions. Je pense que, le jour où on aura assez de solutions, on pourra être davantage incitatifs", explique Nicolas Fricoteaux à TF1.
Enfin, le gouvernement (encore hypothétique) nommé par Emmanuel Macron prendra-t-il le risque de priver du minimum vital des personnes qui refuseraient ces heures ou ne pourraient pas toutes les accomplir? Autant d'interrogations qui promettent une réforme plus que complexe...