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"Charlie, 2 ans, dit non": les opposants à la réforme des retraites ont défilé en famille ce samedi

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Dans le cortège parisien, de nombreux parents ont manifesté avec leurs enfants ce samedi, pour cette première journée de mobilisation intersyndicale organisée le weekend.

Nadine, 59 ans, en est à sa quatrième manifestation depuis le début de la contestation contre la réforme des retraites. Mais pour cette première journée de mobilisation un samedi, elle constate "une tout autre ambiance" dans le cortège parisien. "Ça fait du bien de voir autant de jeunes, des enfants, des parents", commente-t-elle. "Ça donne de l'espoir."

Entre 93.000 - selon la police - et 500.000 personnes - selon les syndicats - ont manifesté ce samedi dans les rues de la capitale, un record depuis le début de la contestation à Paris. Et parmi eux, de nombreuses familles, à l'image d'Erwan, venu avec sa fille Elsa, collégienne. "C'est pour son avenir à elle et celui des jeunes" qu'il se bat, explique cet ouvrier du livre à BFMTV.com.

"C'est le monde de demain et une certaine vision du travail qui est dans la balance pour toute la jeunesse", avance le père de famille de 47 ans.
Erwan et sa fille à Paris lors de la manifestation du 11 février
Erwan et sa fille à Paris lors de la manifestation du 11 février © BFMTV

"Laisser à nos enfants la retraite à 70 ans"

Employée dans le secteur privé, Nadine a pris sa retraite à 60 ans. Elle marche ce samedi aux côtés de son petit-fils et sa fille Julie. "Mes parents ont connu le plein-emploi, les 30 glorieuses", commente cette dernière. Cuisinière dans le secteur médico-social, auprès de personnes en situation de handicap, elle assure "physiquement ne plus tenir le coup".

Si le projet actuel du gouvernement prévoit de reculer l'âge légal de départ de 62 à 64 ans, et de maintenir une retraite à taux plein à partir de 67 ans, Julie s'inquiète pour les générations à venir.

"Nous allons laisser à nos enfants le réchauffement climatique et la retraite à 70 ans", s'alarme-t-elle. "C'est impossible."
Léo, Julie et Nadine lors de la manifestation à Paris le 11 février
Léo, Julie et Nadine lors de la manifestation à Paris le 11 février © BFMTV

"Ni pour moi, ni pour ma fille"

L'atmosphère des manifestations, qui se sont déroulées jusqu'ici sans grand heurt, a encouragé certains parents à descendre dans la rue en famille. "Ces derniers temps, c'était vraiment trop dangereux", estime Zenaïd, patronne d'une TPE, en référence aux précédents grands mouvements à Paris, régulièrement emaillés d'échauffourées.

Cette fois-ci, elle s'est sentie en confiance pour venir défiler avec Vadim, 8 ans. "Enfant, j'ai moi-même fait beaucoup de manifestation avec mes parents", explique la cheffe d'entreprise de 38 ans, pour qui "la vie, ce n'est pas que le travail". "À mon tour de le faire avec mon propre fils", s'enthousiasme-t-elle.

Dans le cortège parisien, les poussettes servent même parfois de pancartes.

"Charlie, 2 ans, dit non aussi à cette réforme injuste", peut-on ainsi lire sur l'une d'entre elles.

Cadre dans le secteur privé, sa mère Estelle se dit aussi "heureuse" de retrouver des cortèges à l'ambiance plus familiale. Elle pointe le sort des femmes dans la réforme des retraites, qui la concernera tout autant que son enfant.

Selon l'étude d'impact du projet de loi, les femmes seront effectivement plus touchées que les hommes par le recul de l'âge de départ à la retraite. En contrepartie, leurs pensions augmenteront un peu plus que celles des hommes grâce à cette réforme.

"Le progrès social, ce n'est pas de travailler plus, ni pour moi, ni pour ma fille", rétorque Estelle.
Estelle et Charlie à la manifestation le 11 février à Paris
Estelle et Charlie à la manifestation le 11 février à Paris © BFMTV

Des ados "inquiets" pour leurs parents

Si les parents présents dans le cortège se font du soucis pour leurs enfants, l'inverse est vrai également. Parmi les adolescents qui accompagnent leurs familles, nombreux sont ceux à évoquer l'impact du recul de l'âge de départ pour leurs propres parents. Nefissa, collégienne, présente dans le cortège avec son frère et ses sœurs, dit ainsi "s'inquiéter" pour son père, "déjà fatigué" à 42 ans.

Venue sans ses parents mais accompagnée de ses camarades du lycée, Camilla, 15 ans, défile avec une pancarte qui indique "Maman on est là pour toi". Ses parents ont 57 et 52 ans et la jeune fille veut défendre "leur droit à se reposer".

"Ça m'émeut beaucoup de voir des familles aujourd'hui qui montrent qu'on est tous concernés par la réforme des retraites, peu importe notre âge", assure son ami Nathan, inquiet pour sa mère aide-soignante.

Une cinquième journée de mobilisation aura lieu le jeudi 16 février, sans doute sans la plupart de ces familles, pour beaucoup dans l'impossibilité de manifester en semaine. Le lendemain, le projet de loi sur la réforme des retraites quittera l'Assemblée, qu'il soit voté ou non par les députés, pour être examiné par les sénateurs.

Marie-Pierre Bourgeois