Pourquoi le déficit de la Sécu inquiète la Cour des comptes

La Cour des comptes propose deux axes de réforme - dr
Le trou de la Sécu inquiète la Cour des Comptes. Par son ampleur d'abord. Quand on additionne le déficit des régimes obligatoires de base et celui du Fonds de Solidarité Vieillesse (FSV), on atteint 39,7 milliards d'euros l’année dernière, soit 1,7% du PIB. Un niveau historique, qui bat largement le déficit de 2010, dans la foulée de la dernière crise financière.
En cause, des recettes en baisse (-2,9% pour le régime général et le FSV) du fait du travail partiel et des réductions accordées aux indépendants ; et une hausse importante des dépenses, 24,9 milliards d'euros de plus qu'en 2019, du fait de l'envolée logique de l'assurance maladie (+10,2%, à 238,8 milliards d'euros).
Déficits permanents de 10 milliards à partir de 2024
Mais ce qui inquiète plus encore la Cour des comptes, c'est l'impact à long terme des conséquences budgétaires de cette crise sanitaire. En se basant sur les projections du PLFSS pour l'année 2022, les sages de la rue Cambon, tablent, à l’horizon 2025, sur "environ 8 milliards d'euros de pertes de recettes pour le régime général et le FSV par rapport à celles qui auraient été constatées si la crise sanitaire n’était pas survenue".
Combiné à l’effet du "Ségur de la santé", qui induit 7,8 milliards d'euros de dépenses en plus pour le système de santé dès 2021, cette baisse des recettes pourrait se traduire par un déficit durable, à hauteur de 10 milliards d'euros par an à partir de 2024. Et les reprises de dette réalisées par la Cades (92 milliards pour les exercices 2020 à 2023) ne suffiront pas à le résorber.
Pour pallier ce déséquilibre, l’institution recommande sans surprise de baisser les dépenses. Les prélèvements obligatoires, jugés déjà trop élevés ne peuvent en effet être relevés selon elle, et les transferts de dette vers l’Etat lui paraissent inutiles.
"Sortir des modes de gestion de crise"
La Cour recommande en premier lieu de changer de braquet sur les contrôles, en abandonnant les écarts permis pendant la crise sanitaire: les facturations de frais de santé, et les assiettes des prélèvements sociaux doivent, selon elle, être mieux surveillés.
Elle appelle à "sortir des modes de gestion de crise" sur plusieurs segments en vogue pendant la crise, comme la télésanté. Les Sages de la rue Cambon appellent à mettre fin à la prise en charge à 100%, et à mieux cibler les politiques d’aide à l’équipement menées par les Autorités régionales de santé (ARS) et la Cnam.
De la même façon, dans la biologie médicale, dont les dépenses ont doublé du fait des tests, la Cour veut mieux structurer le secteur, administrativement (dans le transfert et la conservation des documents) et financièrement.
Prescription numérique, minimum vieillesse et psychiatrie
A plus long terme, la Cour soumet comme chaque année une batterie de réformes structurelles. Sur le volet législatif, elle souhaite notamment imposer au gouvernement le dépôt d’un projet de loi rectificatif "en cas de remise en cause substantielle des prévisions", comme c’est le cas pour le budget de l’Etat.
Elle veut aussi voir avancer les "réformes inabouties" du financement de la psychiatrie, ainsi que des soins de suite et de réadaptation. Pour les victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles, la priorité doit aller aux "actions favorisant la reprise du travail des salariés en arrêt, exposés aux risques de la désinsertion professionnelle".
Enfin, le minimum vieillesse et l’allocation de rentrée scolaire, devraient, selon la cour des comptes, être repensées : la première pour en simplifier les règles, la seconde pour en ajuster la progressivité et la recentrer sur les ménages les plus pauvres.
Enfin, la Cour des comptes suggère d'étendre la dématérialisation des prescriptions à tous les actes et produits de santé, comme c’est notamment le cas en Espagne ou en Angleterre.