Les économies émergentes à l’épreuve de l’automatisation

Les usines du monde devraient compter plus de trois millions de robots d'ici 2020 - STEPHEN BRASHEAR / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP
Le phénomène ne cesse de gagner du terrain. Selon un rapport de la Fédération internationale de la Robotique, l’automatisation progresse en moyenne de 14% par an dans l’industrie mondiale. Et le rythme devrait encore s’accélérer. Entre 2014 et 2020, le nombre de robots dans les usines devrait avoir doublé pour atteindre 3,05 millions. Une croissance fulgurante qui peut s’avérer bénéfique pour certains, préoccupante pour d’autres.
À commencer par les pays émergents, en première ligne face à l’automatisation qui menace d’y détruire 70% des emplois à terme, selon la Banque Mondiale. Cette perte progressive de compétitivité de l’homme face à la machine pourrait coûter cher à ces économies qui misent essentiellement sur leurs faibles coûts de main-d’œuvre pour attirer les investissements étrangers. Or, avec la croissance continue de l’automatisation, le critère du coût du travail jouera mécaniquement un rôle moins important à l’avenir dans la décision d’investissement.
Un modèle de développement bloqué par l’automatisation
Ce qui a profité à la Chine ces dernières années pourrait finalement devenir un frein à la croissance pour des pays comme l’Afrique du Sud, la Thaïlande, ou le Mexique. C’est du moins ce qu’affirme Uwe Burkert, économiste en chef à la Landesbank Baden-Wüttemberg, dans l'hebdomadaire économique allemand Wirtschaftswoche. Selon lui, les pays émergents "auront plus de difficultés à croître économiquement que les pays émergents au cours des dernières années" car leur développement est enrayé par l’automatisation.
En effet, le développement économique d’un pays suit, en théorie, un modèle dans lequel trois étapes se succèdent. D’abord, le développement du secteur primaire (agriculture), puis celui du secteur secondaire (industrie), et enfin celui du secteur tertiaire (services). À mesure que les problèmes de production se résolvent dans l’agriculture grâce au progrès technique et aux gains de productivité qui en découlent, une partie de la main d’œuvre tend à glisser vers le secteur secondaire, puis, grâce au même mécanisme, vers le secteur tertiaire.
Mais rattrapés par l’automatisation, les pays émergents ont un besoin de travailleurs dans l’agriculture comme dans l’industrie –pourtant secteur clé dans le processus de développement- de plus en plus faible, et ce alors que l’industrialisation n’est pas arrivée à son terme. Or, c’est essentiellement dans le secteur secondaire que sont créés les emplois où les travailleurs apprennent à utiliser la technologie, ce qui permet d’accroître les compétences, la productivité et donc la croissance.
Réindustrialisation des économies développées?
Parallèlement, les coûts de main-d’œuvre jouant un rôle de moins en moins important, l’automatisation doit permettre aux pays développés, qui disposent de la maîtrise des technologies, de se réindustrialiser en rapatriant leur production et de mettre un terme aux délocalisations massives. Résultat, "les économies émergentes menacent de se désindustrialiser prématurément", s’alarme Uwe Burkert, craignant qu’elles ne doivent "rechercher leur développement économique dans le secteur des services trop tôt".
Un scénario qui peut s'avérer problématique car si les économies développées, qui ont les qualifications suffisantes, ont plus de facilités à créer des emplois d’avenir, dans le domaine de l’intelligence artificielle par exemple, les pays émergents, eux, ne sont pas encore suffisamment développés pour que leurs travailleurs aient les compétences nécessaires à ce type d'emplois dans le secteur tertiaire. Ils se privent ainsi de gains de productivité.
Enfin, les pays en développement sont menacés par le protectionnisme qui gagne du terrain dans certains pays du globe. Or, la réussite des anciennes économies émergentes n’aurait pas été possible sans leurs exportations. "Les économies émergentes souffrent de l’environnement commercial hostile", explique Uwe Bukert.