Même Bruno Retailleau attaque le décret sur les médicaments de "son" gouvernement: 9 pharmacies sur 10 seront fermées demain

Le fronton d'une pharmacie (illustration) - LOIC VENANCE
Les pharmacies feront, elles aussi, front commun jeudi: neuf sur dix environ garderont le rideau baissé pour dénoncer la réduction des remises commerciales sur les génériques, une mesure destinée à réduire les dépenses de santé mais jugée catastrophique par la profession.
Placardées sur les devantures des officines, des affiches alertent les patients : "une décision de l'Etat menace votre accès aux soins et la survie de votre pharmacie de proximité!" ou encore "l'Etat veut fermer votre pharmacie".
Les organisations de pharmaciens (FSPF, Uspo, UNPF, Federgy, UDGPO) ont appelé les apothicaires et leurs salariés (préparateurs, magasiniers etc..) à "faire le plus de bruit possible" en organisant des manifestations locales - 84 autorisées au total.
A Paris, un rassemblement est prévu aux Invalides avant le départ d'un cortège à midi vers le ministère de la Santé.
Le taux d'adhésion prévu à cette "journée d'interpellation" auprès du public et des élus, dont la date avait été arrêtée avant qu'elle ne soit aussi choisie par les centrales syndicales pour une journée de grève interprofessionnelle, se situe "entre 85% et 90%", a indiqué à l'AFP Philippe Besset, à la tête de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, le syndicat majoritaire.
Certaines officines, réquisitionnées par les préfectures pour assurer les gardes, resteront toutefois ouvertes.
Pour encourager la distribution de génériques, bien moins chers que les médicaments sous brevet, les laboratoires accordent des remises aux pharmacies qui sont déclarées à l'Assurance maladie. Ces données permettent à l'État d'identifier quels industriels consentent des rabais, afin de leur imposer ensuite des baisses de prix et réduire ainsi les dépenses de santé.
Mais depuis début septembre, le plafond autorisé pour ces remises est passé de 40% à 30% du prix fabricant hors taxes. Il doit tomber à 20% en juillet 2027.
Or, ces remises représentent un tiers de la marge des officines, d'où leur grogne.
"Décision mortifère"
"Cette mobilisation inédite ne s'interrompra qu'avec l'annulation de cette décision mortifère", prévient l'intersyndicale pour qui "le rétablissement du plafond de remises de 40% est un préalable indispensable" pour discuter d'un nouveau modèle de rémunération avec le gouvernement.
Le conseil national de l'ordre des pharmaciens s'est mobilisé: dans un courrier aux députés et au Premier ministre, il rappelle que la baisse des remises "risque d'entraîner de nombreuses fermetures".
Bruno Retailleau, ministre démissionnaire de l'Intérieur, est également monté au créneau pour réclamer l'annulation du décret.
"Ce sera un signal de bon sens et d'attention aux Français qui ont du mal à se soigner", a-t-il écrit sur X.
Selon Cyril Colombani, porte-parole de l'Union de syndicats de pharmaciens d'officine (Uspo), interrogé par l'AFP, la mesure va entraîner "la perte d'un emploi dans chaque pharmacie", soit "la fermeture de 5.000 pharmacies dans les trois ans".
Depuis l'été, les pharmaciens ont multiplié les actions de protestation: grève des gardes avec refus du tiers payant en cas de réquisition, fermeture le 16 août, suspension des préparation des piluliers pour les Ehpad.
Ils dénoncent aussi une nouvelle baisse prévue sur les prix des génériques, estimée à 50 millions sur le dernier trimestre 2025.
"L'Etat, en quête d'économies sur les dépenses de santé, souhaite baisser le prix de 1.900 médicaments génériques, ce qui correspond à peu près à 30% du marché, soit la régulation la plus massive supportée par notre secteur depuis plus de 20 ans", indique à l'AFP le directeur général de l'organisation professionnelle des fabricants de génériques (Gemme), Sébastien Trinquard.
Selon lui, "10% du marché des produits substituables présentent un risque élevé de ne plus être commercialisés" en conséquence de ces baisses qui déstabilisent l'équilibre global du secteur, notamment des antibiotiques, des antidiabétiques ou des antiépileptiques.
