"Malheureusement, c'est bis repetita": les patrons redoutent les conséquences économiques d'une nouvelle chute du gouvernement

C'est reparti pour une période de brouillard. Et les entreprises s'en seraient bien passées. Et pour cause, la perspective d'une chute du gouvernement de François Bayrou, à l'issue d'un vote de défiance des parlementaires le 8 septembre prochain, ravive leurs inquiétudes dans un contexte économique déjà préoccupant pour de nombreux secteurs d'activité, en particulier le commerce.
"On partage le constat du surendettement mais c'est surtout l'instabilité politique qui nourrit l'inquiétude. La consommation est en berne, l'industrie se paye les droits de douane, on manque de visibilité comme l'an dernier où le budget a été voté en février", confie à BFM Business Éric Chevée, vice-président de la confédération des petites et moyennes entreprises (CPME).
"En ce moment, ce qu'attendent les patrons, c'est vraiment un budget qui soit lucide, courageux, mais équilibré", a insisté Dominique Carlac'h, vice-présidente d'ABGi France sur le plateau de Good Morning Business mardi 26 août.
Les échéances électorales n'arrangent rien
Or, les échéances électorales à venir, avec les municipales en 2026 et surtout l'élection présidentielle en 2027 font craindre à cette membre du Medef une instabilité politique qui pourrait durer si le gouvernement de François Bayrou chute. Car il faudrait alors, et encore, composer une nouvelle équipe ministérielle avec à sa tête, un nouveau locataire à Matignon, chose loin d'être évidente en cette période.
"Malheureusement, c'est bis repetita, et compte tenu de l'impatience de la classe politique à s'emparer du pouvoir sans attendre les échéances électorales, cela risque de durer", regrette Michel Picon, président de l'Union des entreprises de proximité (U2P) auprès de BFM Business.
"On voit très bien qu'à la rationnalité économique de l'État et de la situation de la France, se substituent des calculs politiques parce qu'on rentre dans un truc qui est J-2 ans par rapport à l'élection présidentielle et tout le monde commence à se dire 'si je ne montre pas mon courage politique d'opposant, je n'existerai pas sur la scène', a soulevé Dominique Carlac'h.
Le président du Medef, Patrick Martin, a d'ailleurs apporté son soutien à François Bayrou, considérant, dans un entretien aux Echos, que le Premier ministre "a eu raison d'alerter sur la dangerosité de la situation des finances publiques. Il considère qu'il "n'y a pas de proposition alternative crédible à celle du gouvernement actuel". "Après Barnier, il y a eu Bayrou, mais après Bayrou, qui d'autre? Et puis ensuite, s'orientera-t-on vers une démission du président? Mais qui pour prendre la suite? Si on en arrive là, le successeur du président Macron, au bout d'un an et demi ou deux ans, tout le monde va réclamer sa démission", renchérit Michel Picon (U2P).
"Même si on appelait Madame Castets, qui avait un temps été évoquée l'année dernière, dans les dix jours, le Parlement voudra lui faire sa peau (...) Là, les gens crient 'démission, démission, démission', mais ce sont des fous ! ", déplore-t-il.
Les patrons craignent les mouvements sociaux
Qui plus est, l'instabilité politique attise aussi les mouvements sociaux. Les syndicats se réuniront vendredi 29 août, au siège de la CFDT, pour s'organiser et hausser le ton face au gouvernement qui les appellent à négocier une énième fois sur la convention d'assurance chômage. Et les internautes appellent depuis plusieurs semaines à "tout bloquer" le 10 septembre.
"Le risque du 10 septembre est super important pour des industries comme les nôtres. On sera les premiers touchés. Tout ce qui est type 'gilets jaunes', gros mouvements sociaux, tout cela coûte une fortune aux commerces", a alerté Laurent Milchior, co-gérant du groupe Etam, mardi 26 août sur le plateau de Good Morning Business.
"Je me demande quand même si le Premier ministre, en choisissant la date du 8 septembre pour le vote de confiance, n'a pas tenté quelque part de désamocer la contestation", suppose Michel Picon (U2P). "Dans la situation économique dans laquelle on se trouve, si on ajoute à ça un mouvement social qui bloque le pays, franchement c'est la catastrophe, le chiffre d'affaires ne se fera pas, ce seront des employés qui seront licenciés ou qui ne seront pas recrutés", redoute-t-il. "Le traumatisme des gilets jaunes est encore bien présent dans l'esprit des commerçants", ajoute-t-il.
Appels à une réforme massive de la dépense publique
Les patrons se plaignent aussi des rumeurs selon lesquelles ils bénéficieraient de trop d'aides de l'État pour mener à bien leur activité. "En 2025, les entreprises ont payé 13 milliards de charges de plus que l'année d'avant. (...) Pourquoi on les aide? Parce que les entreprises en France sont celles qui payent au monde le plus de contributions sociales. Ce ne sont ni des aides ni des cadeaux, ce sont des allègements qui permettent de redonner du souffle", a souligné Dominique Carnac'h sur le plateau de Good Morning Business.
"31.260 chefs d'entreprises qui ont perdu leur boîte au premier semestre de l'année 2025, c'est 4,3% de plus que l'an dernier. Les entreprises sont en difficultés parce qu'il y a des modes de consommation qui ont changé, les produits chinois nous envahissent et les commerces de proximité souffrent énormément de cette situation", insiste Michel Picon.
De son côté, Éric Chevée (CPME) appelle à une réduction significative des dépenses publiques de l'État et des collectivités territoriales: "On ne peut pas demander aux entreprises et salariés de faire des efforts sans une réforme massive de la dépense publique", presse-t-il. "Il faut que l'État et les collectivités se serrent la ceinture".