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Les patrons vont peut-être réfléchir à 2 fois avant d'accorder une rupture conventionnelle: le gouvernement veut encore plus les taxer pour les rendre dissuasives

Les ruptures conventionnelles en baisse

Les ruptures conventionnelles en baisse - CC

Pour éviter les "phénomènes d'optimisation", le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 prévoit de réhausser de dix points le taux de la contribution patronale appliqué aux indemnités de rupture conventionelle et de mise en retraite.

Et si cette fois, c'était la hausse de trop pour les patrons? Face à l'envolée des ruptures conventionnelles négociées dans les entreprises ces dernières années, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 prévoit de ponctionner davantage les patrons.

L'article 8 du texte présenté mardi par le gouvernement Lecornu II réhausse en effet de dix points le taux de contribution patronale qui s'applique aux indemnités de rupture conventionnelle et de mise en retraite. Une manière de lutter contre les "phénomènes d'optimisation", est-il expliqué dans l'exposé des motifs de la mesure.

"Ce régime social favorable, initialement instauré pour sécuriser les sorties d’entreprise négociées et fluidifier le marché du travail a pu conduire à certains abus via des stratégies de contournement du régime social propre aux indemnités de licenciement ou de la démission de salariés", pointe le gouvernement.

Ainsi, si les parlementaires adoptent cette mesure, les employeurs seront taxés à hauteur de 40%, au lieu de 30% actuellement, sur le montant de l'indemnité de rupture conventionnelle ou de mise en retraite qui est exclue de l'assiette de cotisations de Sécurité sociale.

Qu’est-ce qui cloche avec les ruptures conventionnelles, dans le viseur du gouvernement?
Qu’est-ce qui cloche avec les ruptures conventionnelles, dans le viseur du gouvernement?
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Concrètement, cela ne changera rien sur la somme perçue pour les collaborateurs souhaitant quitter leur entreprise. Mais leurs chances de conclure une rupture conventionnelle pourraient être réduites puisqu'elle coûtera plus cher à l'entreprise.

Ce n'est pas la première fois que la contribution patronale augmente

"La rupture conventionnelle est intéressante parce que cela limite le risque de contentieux pour les employeurs. Si c'est ça le prisme, cela reste intéressant quoiqu'il arrive. C'est aussi intéressant car parfois, cela ne donne pas droit au préavis. Donc cela reste un dispositif qui malgré tout, peut avoir beaucoup d'intérêt", nuance Me Anne-Leleu-Été, avocate spécialisée en droit du travail auprès de BFM Business.

"Il y a déjà eu un réhaussement à 30% de la contribution en septembre 2023. Celle-ci n'a pas eu d'impact notable sur le comportement des employeurs en matière de ruptures conventionnelles", complète Me Cécile Pays, avocate spécialisée en droit du travail auprès de BFM Business.

Le 1er septembre 2023 en effet, le forfait social de 20% qui était jusqu'alors exigé aux entreprises a été remplacé par une contribution unique au taux de 30% appliqué aux indemnités de ruptures conventionnelles. La contribution des employeurs avait donc, il y a deux ans, déjà été réhaussée de dix points de pourcentage.

"L'inconvénient, c'est le facteur financier: plus les ruptures conventionnelles sont chères avec des salariés qui ont une forte ancienneté, plus cela sera dissuasif pour l'employeur. C'est une contribution qui peut aller jusqu'à deux plafonds annuels de la sécurité sociale (PASS), c'est à dire 40% de 94.200 euros. C'est loin d'être négligeable", signale Me Anne-Leleu-Été.

"Avec les autres mesures fiscales annoncées qui vont peser sur les entreprises, cela pourrait bouger et dissuader un peu plus les entreprises à accorder des ruptures conventionnelles", anticipe Me Cécile Pays.

Le projet de budget présenté par Sébastien Lecornu prévoit en effet de prolonger d'un an, mais en la réduisant de moitié, la surtaxe sur le bénéfice des grandes entreprises instaurée en 2025. Cette contribution était censée être exceptionnelle et n'être appliquée que pendant un an. La surtaxe, qui concerne les 400 plus grandes entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires d'au moins 1 milliard d'euros en France, devrait générer 4 milliards d'euros, soit moitié moins qu'en 2025.

Plus de 500.000 ruptures conventionnelles en 2024

Si le gouvernement s'attaque autant aux ruptures conventionnelles, c'est parce qu'elles ont considérablement augmenté ces dernières années. En l'espace de cinq ans, leur nombre a en effet augmenté de 20%, passant de 428.296 accords de ruptures conventionnelles signés en 2020 à 514.627 en 2024.

D'après les données de l'Unédic, les deux tiers aboutissent à un versement de l'assurance chômage. En 2024, 333.724 allocataires étaient indemnisés par France Travail après une rupture conventionnelle conclue avec leur dernière entreprise.

Caroline Robin