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"La bête noire de l'Europe": le patron de Fnac Darty s'inquiète du décrochage économique de la France

Le groupe de distribution "vise à moyen terme une croissance supérieure à ses marchés et une marge opérationnelle de 4,5 à 5%", contre 2,7% fin 2017, selon le directeur général de Fnac Darty, Enrique Martinez.

Le groupe de distribution "vise à moyen terme une croissance supérieure à ses marchés et une marge opérationnelle de 4,5 à 5%", contre 2,7% fin 2017, selon le directeur général de Fnac Darty, Enrique Martinez. - Lionel Bonaventure-AFP

Le président de Fnac Darty appelle la France à agir dès maintenant pour renforcer sa compétitivité afin qu'elle "prenne le train en marche et ne reste pas à quai".

Implanté en Italie, en Espagne, au Portugal, en Belgique, le patron espagnol de Fnac Darty a profité d'une interview au JDD ce dimanche 22 décembre pour décrire les risques de décrochage économique qui pèsent sur la France.

Selon Enrique Martinez, malgré le fait que l'inflation baisse, la "consommation reste atone, alors qu'elle est repartie chez la plupart de nos voisins européens". Alors pourquoi cette exception française?

Une "crise de confiance" qui pèse sur les consommateurs

La théorie d'un "décrochage économique" est évoquée, une période de "crise de confiance" qui pousse les Français à épargner plutôt que faire usage de leur pouvoir d'achat. Une tendance accentuée par la dissolution de l'Assemblée nationale en juin dernier et la censure du gouvernement de Michel Barnier 6 mois plus tard.

"Dans ce contexte, notre groupe atteint les mêmes niveaux de ventes à Noël que l'an dernier, cela signifie donc que ça ne redécolle pas", justifie Enrique Martinez. Pour les cadeaux de Noël, les livres restent toujours en tête des ventes tandis que les jouets gagnent de plus en plus de terrain, "en particulier les jeux de société et les jeux de construction type Lego".

"Les ventes de Notre-Dame en Lego par exemple ont été très fortes en cette fin d'année", ajoute Enrique Martinez.

Cet appétit pour les jeux semble davantage exprimé par les adultes qui cherchent "une activité sociale et ludique traditionnelle pour faire contrepoids au digital". "On lâche le téléphone pendant une heure pour jouer entre copains", décrit-il.

"Résister aux grands acteurs mondiaux comme Amazon"

En ce qui concerne les livres, Fnac Darty prend part au combat des librairies indépendantes face aux grandes plateformes type Amazon qui "pratiquent le dumping sur les frais de livraison". La loi Darcos d'octobre 2023, que Fnac Darty a soutenu, a justement permis de mieux encadrer ces pratiques et restaurer une forme d'équilibre. Et son récent rachat du distributeur d'électroménager italien Unieuro suit aussi cette logique.

"L'idée est de se diversifier géographiquement, de regrouper nos achats pour faire des économies d'échelle, et de consolider un marché qui est encore trop fragmenté, pour résister aux grands acteurs mondiaux comme Amazon", défend-il.

Dans les rayons livres, la stagnation des ventes pourrait être due à un manque de renouvellement des générations. "À l'adolescence, la prise de liberté conduit souvent à l'abandon de la lecture", regrette Enrique Martinez, percevant toutefois des signes d'espoir avec l'explosion du manga.

"Les mangas, comme l'univers de la bande dessinée en général, sont une première porte d'entrée, un moyen d'ancrer la lecture dans les habitudes de loisirs des plus jeunes", décrit-il.

Côté musique, c'est bien le vinyle qui booste les ventes, largement devant le CD. "Ils représentent aujourd'hui 60% de la vente de musique, devant les CD. Toutes les grandes stars incluent l'objet dans les lancements de leurs albums", explique-t-il tout en citant Mylène Farmer, Taylor Swift ou encore le phénomène K-Pop.

Prendre "le train en marche"

Pour que la France "prenne le train en marche et ne reste pas à quai", Enrique Martinez attend "l'affirmation d'une véritable envie de développer l'activité". D'après lui, nos voisins européens ont réussi leur transformation depuis la crise financière de 2008, parvenant à l'équilibre contrairement à la France.

"Les États-Unis surinvestissent dans la protection de leur économie, la Chine est en train de se refermer, et l'Europe aujourd'hui est en panne", fait-il valoir.

L'Hexagone serait donc devenue la "bête noire de l'Europe" notamment en ne faisant pas le choix du "recul de l'âge à la retraite" ou "l'assainissement des aides sociales", comme ce fut le cas en Italie.

Pierre Berthoux