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Italie, Allemagne... Quels sont les droits des cheminots qui veulent faire grève chez nos voisins européens?

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Des élus Les Républicains et centristes questionnent le droit de grève des cheminots, à la veille d'un week-end qui s'annonce très perturbé pour la circulation des TGV. Les règles divergent chez nos voisins européens, mais sont globalement un peu plus contraignantes qu'en France.

La grève s'annonce très suivie ce week-end à la SNCF, au beau milieu des vacances scolaires. Les trois quarts des contrôleurs devraient cesser le travail, selon la compagnie ferroviaire. "Trop c'est trop", s'insurge la droite majoritaire au Sénat, qui souhaite s'attaquer au droit de grève des cheminots. "La grève doit être l'arme ultime", or elle est "devenue un instrument de la négociation", estime Gérard Larcher, le président de la chambre haute.

Un texte déposé mercredi par le sénateur Hervé Marseille, patron de l'Union des démocrates indépendants (UDI), prévoit d'octroyer au gouvernement un capital annuel de 60 jours d'interdiction de grève, réparti par décret dans une limite de quinze jours par période d'interdiction.

Ces dernières années, et notamment suite au mouvement de Noël 2022, plusieurs propositions parlementaires ont déjà tenté de durcir la loi de 2007 sur le service minimum, qui impose aux salariés souhaitant faire grève de se déclarer au moins 48 heures à l'avance.

Cette loi n'a toutefois introduit aucune obligation légale d'assurer une circulation minimale, le droit de grève demeurant un droit à valeur constitutionnelle en France. Mais qu'en est-il chez nos voisins européens?

En Allemagne, une partie des cheminots interdits de grève

Fin janvier, les conducteurs de trains se sont lancés dans une grève record de six jours outre-Rhin, dans le cadre d'un conflit sur les salaires et le temps de travail.

La Loi fondamentale allemande reconnaît aux salariés du privé le droit de cesser le travail. En revanche, les fonctionnaires, qui jouissent d'une garantie à vie de l'emploi, n'ont de leur côté pas le droit de se mettre en grève, souligne La Croix.

Mais depuis 1994, les nouveaux cheminots embauchés au sein de la Deutsche Bahn, la compagnie ferroviaire publique allemande, relèvent de contrats de travail de droit privé. Résultat, une bonne partie d'entre eux a bien le droit de débrayer.

Plus globalement, sur les 4,6 millions de travailleurs évoluant dans le secteur public en Allemagne, seul 1,7 million avait le statut de fonctionnaire en 2020, selon le politologue allemand Heiner Dribbusch.

Toutefois, le droit de grève dans le privé est aussi encadré. Seuls les travailleurs affiliés à un syndicat peuvent l'exercer et ce levier peut être actionné seulement pour défendre les conditions salariales et de travail, pas pour contester l'action du gouvernement.

En Italie, impossible de cesser le travail pendant les fêtes

De l'autre côté des Alpes, garantir la libre circulation des personnes semble plus important que le droit de grève. Tout au moins pendant certaines périodes de l'année, liées notamment aux vacances scolaires et aux fêtes chrétiennes, à l'occasion desquelles cesser le travail au sein de services publics essentiels, comme le transport ferroviaire, est tout simplement interdit.

Ainsi, du 19 décembre au 7 janvier, à Pâques, à la Toussaint, mais encore lors des premiers jours de départs en vacances l'été, fin juin et début juillet, les cheminots ne peuvent pas se mettre en grève. Cette règle, établie par une loi remontant à 1990, s'applique aussi aux heures de pointe, entre 7h et 10h le matin et 18h et 21h le soir, pour les employés de sociétés de transports locaux.

En Suisse, la grève autorisée mais peu pratiquée

Si la grève des cheminots en France devrait affecter les liaisons transfrontalières avec la Suisse, nos voisins helvètes sont réputés moins turbulents et s'illustrent rarement dans des actions de débrayage.

La Constitution fédérale de la Confédération suisse invite d'ailleurs à ce que les conflits soient "autant que possible, réglés par la négociation ou la médiation". Le droit de grève existe toutefois bel et bien.

"La grève et le lock-out sont licites quand ils se rapportent aux relations de travail et sont conformes aux obligations de préserver la paix du travail ou de recourir à une conciliation", précise l'article 28 de la Constitution.

Comme en Allemagne, cesser le travail en raison de revendications politiques est donc prohibé. En outre, la loi peut interdire le recours à la grève de "certaines catégories de personnes". Mais cette interdiction vaut surtout pour des professions liées à la sécurité ou la santé publique, et non pour les cheminots.

Au Royaume-Uni, un service minimum fait bondir les syndicats

Le droit de grève fait depuis peu l'objet d'un encadrement plus strict outre-Manche, suite à de nombreux mouvements sociaux dans la santé, les transports et l'éducation, pour de meilleures conditions de travail et des augmentations de salaires.

Sous l'impulsion du Premier ministre conservateur, Rishi Sunak, un projet de loi prévoyant la création d'un service minimum a été adopté en juillet 2023. Les conditions d'application de ce dispositif sont désormais en vigueur dans le transport ferroviaire, la police aux frontières et les ambulances, a précisé en décembre le chef du gouvernement britannique.

Les syndicats dénoncent de leur côté une atteinte au droit de grève et ont affiché leur détermination à combattre une loi qu'ils considèrent "malveillante, inutile et inapplicable".

L’opposition travailliste a quant à elle promis de revenir sur ce texte si elle arrive au pouvoir à l’issue des prochaines élections législatives, prévues d’ici janvier 2025.

Pourquoi les trains ne peuvent-ils pas circuler sans contrôleur?
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En Espagne, un service minimum décidé par les autorités

De l'autre côté des Pyrénées, un service minimum existe de longue date dans le ferroviaire, considéré comme un service essentiel assurant la liberté de circulation.

Rendu obligatoire par un décret royal remontant à 1980, il garantit la circulation d'un train par jour seulement sur les grandes lignes. Toutefois, les conditions générales du service minimum sont à chaque grève fixées par les autorités - le gouvernement national ou la communauté autonome concernée par le mouvement social.

Ainsi, à la demande du ministère des Transports espagnol, un service minimum de 65% a été imposé sur les trains de moyenne distance et de 75% sur les trains de banlieue en heures de pointe, lors d'une grève au sein de la compagnie nationale Renfe le 9 février dernier.

Thomas Chenel