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"Ils sont en train de péter un plomb": l'Ordre national et les syndicats sont très remontés contre les pharmaciens qui appellent au boycott de la vaccination

La façade d'une pharmacie située place des Terreaux dans le 1er arrondissement de Lyon, le 1er octobre 2023.

La façade d'une pharmacie située place des Terreaux dans le 1er arrondissement de Lyon, le 1er octobre 2023. - ANTOINE BOUREAU / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Remontés à bloc contre les baisses des plafonds de remises commerciales sur les médicaments génériques, certains pharmaciens ont appelé, sur les réseaux sociaux, à boycotter la campagne de vaccination contre le Covid-19 et la grippe cet hiver. L'Ordre national de la profession et les syndicats condamnent des actions a priori isolées.

La colère ferait-elle perdre raison à certains pharmaciens? Les syndicats et le Conseil national de l'ordre des pharmaciens ont en tout cas condamné les appels de certains professionnels des officines à boycotter les commandes de vaccins contre le Covid-19 et la grippe pour faire entendre leurs revendications.

En vue de la campagne de vaccination contre la grippe et le Covid-19 qui doit débuter le 14 octobre, les premières commandes de vaccins Covid-19 sont en effet ouvertes depuis lundi sur le portail de Santé publique France. Mais des appels à ne pas commander de flacons de vaccins circulent sur "des groupes facebook de pharmaciens", déplore Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) à BFM Business.

"À titre personnel et au titre de l'Ordre, je ne pense pas que ce soit une bonne idée de prendre en otage les patients. Le législateur nous a confié des missions importantes de santé publique, et justement d'amélioration de la couverture vaccinale", a déclaré à l'AFP Carine Wolf-Thal, la présidente de cette instance.

Proposer ce boycott "pose une difficulté", selon elle, dans la mesure où ce sont les pharmaciens qui distribuent les vaccins anti-Covid aux autres professionnels de santé qui vaccinent. "Donc non seulement certains pharmaciens ne vaccineront pas, mais ils empêcheront aussi les autres professionnels de santé de vacciner", a-t-elle déploré.

Une colère qui déborde

Contactés par BFM Business, les deux syndicats représentatifs des pharmaciens d'officine condamnent également cette démarche. "Ce sont des actions isolées qui partent un peu partout", commente Pierre-Olivier Variot, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (Uspo).

"Les pharmaciens sont en train de péter un plomb. Il y en a même qui commencent à dire qu'ils ne veulent plus vacciner contre la grippe", a alerté le porte-parole de l'Uspo, Cyril Colombani auprès de l'AFP.

"On ne tient plus la base et les 5 euros donnés aux médecins quand les pharmaciens vacinnent ont enflammé le réseau", développe Pierre-Olivier Variot auprès de BFM Business. À partir du 1er janvier 2026 en effet, les médecins généralistes toucheront 5 euros de bonus par patient vacciné et ce, même si ce dernier a été vacciné par un autre professionnel de santé.

De son côté, la Fédération des pharmaciens d'officine (FSPF), le syndicat majoritaire, recommande de "ne pas se lancer dans des actions individuelles qui risqueraient de retourner l'opinion publique qui est actuellement en notre faveur", selon son président Philippe Besset.

Le coup de rabot sur les remises commerciales sur les génériques ne passe pas

Et ce, d'autant que les pharmaciens ont multiplié les fermetures d'officines depuis cet été pour faire pression sur le gouvernement. Jeudi dernier, plus de 85% des officines avaient baissé le rideau et les pharmaciens étaient descendus massivement dans la rue pour protester encore une fois contre les pertes financières attendues liées à la diminution des remises commerciales possibles sur les génériques et une nouvelle baisse prévue sur les prix de ces médicaments.

Depuis le 1er septembre, les remises commerciales sur les médicaments génériques sont plafonnées à 30% au lieu de 40% auparavant. Si le gouvernement ne miodifie pas l'arrêté ministériel paru au Journal officiel le 6 août, alors ce plafond dimunera progressivement pour atteindre 20% au 1er juillet 2027.

Interrogé lors d'une conférence de presse ce mardi, le président du syndicat des laboratoires pharmaceutiques (Leem) Thierry Hulot a aussi condamné les appels au boycott de la campagne de vaccination contre le Covid-19 et la grippe. "C'est irresponsable. Et je ne crois pas une seconde qu'un de mes collègues et confrères pharmaciens qui, comme moi, a prêté le serment de Galien, rentrera dans ce jeu minable", a-t-il réagi. Ce dernier a par ailleurs reproché au gouvernement de "dresser les acteurs du médicament les uns contre les autres", les baisses de remises commerciales étant justifiées par le ministère comme une compensation aux baisses de prix des médicaments imposées aux industriels.

Caroline Robin avec AFP