Sur 261 millions d'euros de fraude à la Sécu, 77% sont dus aux "pros" et aux établissements de santé

La lutte contre la fraude à l'Assurance maladie en 2018 a permis de détecter et de stopper 261,2 millions d'euros de préjudices. Cela correspond à 23 000 enquêtes menées. - Philippe Hughen-AFP
Sur les 261,2 millions d'euros de préjudices recensés, recouvrés ou évités, 47% ont concerné des professionnels de santé et 30% des établissements de soins, précise dans son bilan 2018 de la fraude, l'Assurance maladie (Cnam), ce qui équivaut à 200 millions d'euros.
Les assurés sociaux représentent quant à eux plus de la moitié (51%) des cas de fraudes répertoriés mais seulement 22% des sommes en jeu. "Cette différence entre le nombre de cas en valeur absolue et le montant des préjudices en jeu explique l’importance d’une mobilisation concernant tous les types de fraudes", explique l'Assurance maladie. qui a mené 23.000 enquêtes et a par ailleurs engagé 8500 actions contentieuses l’an dernier.
"Chaque année", les préjudices les plus importants portent sur les remboursements de soins de ville (hors hôpital), soit 128,8 millions d'euros en 2018, dont 96% imputables aux médecins, infirmiers, pharmacies, laboratoires de biologie ou encore aux ambulanciers. Les 4% restant concernent les consommations des assurés, en particulier les médicaments (falsification, contrefaçon d'ordonnances, trafic...).

La fraude liée à l'obtention de droits a quant elle entraîné 11 millions d'euros de préjudices, dont 6,6 millions pour la CMU-C (couverture maladie universelle complémentaire) et l'ACS (aide à la complémentaire santé), et 542.000 euros pour l'AME (aide médicale d'état pour les étrangers en situation irrégulière).
Pour mener à bien ses contrôles, l'Assurance maladie précise "qu'elle surveille ses bases de données pour détecter les données atypiques et aberrantes qui peuvent signaler des fraudes potentielles".
Selon la Cnam, la fraude recouvre des pratiques très différentes et elle peut se situer sur tout le périmètre des remboursements de l’Assurance Maladie (assurés, professionnels de santé, fournisseurs et prestataires de santé, établissements de santé et médico-sociaux, employeurs). "Par facilité de langage, elle est trop souvent confondue avec l’abus et la faute. Ce qui la caractérise, c’est son caractère illicite, intentionnel et sa gravité" rappelle l'organisme public.
trois cas de fraude de professionnels repérés par l'assurance maladie
L'Assurance maladie a relevé, dans son bilan de la fraude en 2018, trois cas emblématiques (anonymisés) qui ont été identifiés et sanctionnés.
- Un infirmier facturait à l’Assurance maladie des soins qu’il ne réalisait pas ou qu’il faisait réaliser par sa conjointe (qui n’est pas infirmière, soit un exercice illégal de la profession). Par ailleurs, pour les actes qu’il réalisait il utilisait des tarifs supérieurs à ceux prévus. Après l’avoir détecté dans le cadre d’un programme national, l’Assurance maladie l’a poursuivi ainsi que sa conjointe devant le pénal et a obtenu leurs condamnations à une peine de prison avec sursis (1 an pour l’infirmier et 9 mois pour sa conjointe) et au remboursement de 174.875 euros représentant le préjudice subi par l’Assurance Maladie.
- Un responsable d’entreprise de transports en ambulance utilisait différents moyens pour augmenter le montant de ses factures: facturations de transports non réalisés, faux et usages de faux, tarifs surfacturés… Après l’avoir détecté dans ses bases de données, confortée par un signalement externe, l’Assurance Maladie a porté plainte au pénal et obtenu sa condamnation à une peine de prison (30 mois). Le préjudice subi s’élevait à 512.906 euros.
- Un médecin spécialiste facturait des actes non réalisés et dans d’autres cas, facturait à des dates différentes des soins réalisés le même jour pour en obtenir un remboursement anormalement majoré. À partir d’un signalement d’assuré, l’Assurance Maladie a recherché toutes les anomalies de facturation de ce professionnel de santé dans ses bases de données. Les faits ayant été avérés ainsi que leur étendue, ce médecin a été sanctionné par une pénalité financière (amende administrative de 75.000 euros) et a dû rembourser le montant du préjudice subi (52.040 euros).