Pourquoi les écoles privées sont majoritairement financées par l'argent public

Une polémique qui relance le débat sur les écoles privées. Tout juste nommée ministre de l'Éducation nationale, Amélie Oudéa-Castéra s'est attirée les foudres des syndicats et du corps enseignant en justifiant son choix de scolariser ses enfants dans le prestigieux établissement parisien Stanislas par les "paquets d'heures qui n'étaient pas sérieusement remplacées" dans le public.
Depuis cette sortie, des voix s'élèvent pour dénoncer le fonctionnement des écoles privées en France. Jugés trop élitistes et conservateurs par certains, ces établissements sont également montrés du doigt pour leur mode de financement reposant largement sur l'argent public. Dimanche 14 janvier, le syndicat SUD-Education a ainsi appelé à mettre "fin au financement public de l'enseignement privé" et à le "nationaliser".
Des écoles sous contrat avec l'État
Pour comprendre le fonctionnement de l'enseignement privé en France, il faut remonter à l'après-guerre. À l'époque, les écoles privées sont mal en point, fragilisées par la suppression des subventions qu'elles percevaient sous le régime de Vichy. Dans les années 1950, le devenir de ces établissements va agiter les débats politiques, jusqu'au vote de la loi Debré, en 1959, qui posera les bases du système moderne d'enseignement privé.
Ce système reposant sur des contrats entre les écoles et la puissance publique impose un contrôle de l'État sur les établissements privés en contrepartie des aides financières qui leur sont accordées. Ils sont ainsi tenus d'enseigner les programmes définis par l'Éducation nationale et ne peuvent faire de discrimination dans l'accueil des élèves.
En 2022, les écoles privées sous contrat regroupaient plus de 2 millions d'élèves, soit 17,6% des effectifs scolarisés, dans un peu plus de 7500 établissements (contre moins de 2000 hors contrat), selon un rapport de la Cour des comptes. Cette même année, l'État a accordé 8 milliards d'euros de crédits aux écoles privées pour financer notamment la rémunération des 142.000 enseignants qui y travaillent (et qui ont l'État pour employeur bien qu'ils ne soient pas fonctionnaires), mais aussi le forfait d'externat versé aux établissements du second degré et destiné à couvrir leurs charges de personnels de vie scolaire.
Plus de 75% de financement public
Dans le détail, le financement de l'État des établissements privés sous contrat représente 55,2% du financement total dans le premier degré (maternelles et primaires) et 67,2% dans le second degré (collèges et lycées). "Cette part de financement est peu différente de celle observée pour les établissements publics, dont l’État assure respectivement 59 % et 74 % du financement", souligne la Cour des comptes.
Mais l'argent public finance encore davantage le privé puisque les collectivités locales pèsent 21,5% du financement des écoles sous contrat dans le premier degré et 9,6% dans le second degré. Autrement dit, les écoles maternelles et primaires sont financées par les deniers publics à hauteur de 76,7%, contre 76,8% pour les collèges et lycées (respectivement 96,3 et 95,7% pour l'enseignement public). Le reste provient des ménages eux-mêmes, des entreprises ou d'autres financeurs privés.
En 2020 par exemple, premier et second degrés confondus, le budget total de l'enseignement privé s'élevait à 21,4 milliards d'euros, dont 7,8 milliards de l'Éducation nationale, 1 milliard d'autres ministères, 2,7 milliards des collectivités territoriales, 665 millions des autres administrations publiques, 4,4 milliards des ménages et 4,8 milliards des entreprises et autres financeurs privés.
Peu de contrôles
Dans son rapport paru en juin 2023, la Cour des comptes ne remet pas en cause ce financement essentiellement public, mais déplore le manque, voire l'absence, de contrôles des établissements par l'État. D'après les Sages, le contrôle pédagogique "est exercé de manière minimaliste", tandis que le contrôle administratif "n'est mobilisé que ponctuellement lorsqu'un problème est signalé".
Enfin, les règles à suivre pour permettre à l'État de vérifier l'utilisation qui est faite de sa contribution financière "ne sont ni connues, ni a fortiori appliquées par les différentes parties prenantes". La Cour indique par exemple que "rares sont les établissements ayant indiqué qu'ils adressaient leurs comptes au directeur département ou régional des finances publiques dans les trois mois suivant la clôture de l'exercice". Ce qu'ils sont pourtant censés faire.
"Par ailleurs, les directeurs régionaux des finances publiques sollicités ont indiqué que leurs services n'effectuaient pas ces contrôles", poursuit la Cour des comptes. Avant de conclure: "Cette inapplication des textes n'est pas admissible et doit être corrigée dans les plus brefs délais".