Pourquoi beaucoup de fonctionnaires ne signifie pas forcément beaucoup de dépenses publiques

- - AFP
L'ensemble des syndicats de la fonction publique ont appelé à une nouvelle manifestation ce jeudi contre la réforme du gouvernement. Parmi leurs revendications, ils réclament une hausse des effectifs. L'exécutif a récemment changé de braquet sur cette question. Candidat à la présidentielle, Emmanuel Macron avait promis de supprimer 120.000 dans la fonction publique, en majorité dans les collectivités territoriales.
Mais le chef de l'État est quelque peu revenu sur cette promesse. Dans son discours post-grand débat le 25 avril, il a évoqué le besoin de "réinvestir dans la sécurité, dans l’éducation et dans la justice", ce qui nécessite des recrutements. "Je ne vais pas donner des injonctions contradictoires au gouvernement", a-t-il dit, à savoir augmenter les effectifs d'un côté tout en maintenant un objectif de suppressions de postes. "Il faut voir si c’est tenable [...] je suis prêt à lever cet objectif, mais pas celui de la tenue des dépenses publiques", a-t-il précisé. Mais renoncer à des suppressions de postes tout en gardant un objectif de baisse des dépenses publiques n'est-il pas tout aussi contradictoire?
Le Canada a plus d'agents mais dépense moins
La fonction publique compte environ 5,7 millions de salariés, dont environ les deux tiers ont le statut de fonctionnaire et 20% celui de contractuel. Avec 2,5 millions d'agents dont 1 million pour l'Éducation nationale, l'État concentre la majorité des postes. Suivent les collectivités territoriales avec près de 2 millions de salariés et la fonction publique hospitalière avec 1,2 million.
Est-ce beaucoup? Si l'on compare aux autres pays, le poids de la fonction publique en France "est relativement élevé", d'après France stratégie. L'emploi public y représente 21% de l'emploi total, quand la moyenne de l'OCDE se situe à 18%. La Norvège a le taux le plus élevé à 30%, quand l'Allemagne à l'un des taux les plus bas avec seulement 11% d'emplois publics.
Entre le mouvement des gilets jaunes et le grand débat, les Français ont exprimé le besoin d'un meilleur service public de proximité, à la fois en qualité et en quantité. Peut-être que redéployer les agents sur le territoire suffirait-il à remplir cet objectif. Car la France dispose de 89 agents pour 1000 habitants, soit l'un des taux d'administration les plus élevés de l'OCDE, selon les calculs de France stratégie réalisés il y a un peu plus d'un an.
Parmi les pays dont le taux d'administration est le plus élevé que la France, tous, hormis la Finlande à l'époque de l'étude, ont un niveau de dépenses publiques rapporté au PIB moins élevé que la France, qui s'élevait à 57%. Le Canada est lui-aussi devant, avec 100 agents pour 1000 habitants, alors que les dépenses des administrations représentent 41% du PIB et que ce pays est souvent cité comme un exemple à suivre en matière de finances publiques par certains économistes.
Les transferts sociaux responsables de 75% de la hausse des dépenses publiques
Pour mieux comprendre cette situation, il convient de regarder l'évolution des dépenses publiques sur une longue période. De 2005 à 2015, leur poids dans le PIB a progressé de 4,1 points en France.
Sur ces 4,1 points, seulement 0,1 point est imputable au montant dépensé pour payer les agents publics. En revanche, les prestations sociales et les transferts en nature (autrement dit les services gratuits ou semi-gratuits financés par l'administration, comme la santé) ont augmenté de 3,2 points, ce qui représente plus des trois quarts de la hausse.
En 2015, les dépenses publiques pèsent pour 57% du PIB tricolore. Sur ce montant, les prestations sociales représentent 20 points, la moyenne de l'OCDE étant à 15,7. De l'autre côté les rémunérations des agents publics représentent 12,9 points, la moyenne des pays développés est de 11 points.