Les Français ne dépensent pas ce qu'ils ont gagné en plus et cela a un impact direct sur l'économie

Banque de France. - Joel Saget - AFP
Les Français sont plus prudents que prévu et cela pèse sur la croissance. Dans ses projections économiques de juin publiées ce mardi, la Banque de France a légèrement révisé à la baisse ses prévisions pour 2019. Il y a trois mois, l'institution tablait sur une hausse du PIB de 1,4%. Elle s'attend désormais à 1,3%.
La faute en partie au contexte international: "L'incertitude reste forte et s'est sans doute un peu accrue par rapport au mois de mars", note Olivier Garnier, directeur général de la Banque de France en charge des études économiques. En effet, les tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis sont montées d'un cran, l'issue du Brexit n'est toujours pas actée et les principaux partenaires commerciaux de la France connaissent un net ralentissement. De 1,6% en décembre, la prévision de croissance 2019 pour l'Allemagne a été révisée à 0,6%, et on espère plus que 0,3% du côté de l'Italie.
Il ne faudra donc pas compter sur nos voisins cette année pour tirer la croissance tricolore. Pour compenser en partie les effets négatifs du commerce extérieur, la France a un atout: la consommation intérieure. Et cette dernière a de beaux jours devant elle, car son carburant, le pouvoir d'achat, est en nette hausse. La combinaison des 10 milliards de "mesures gilets jaunes", de la croissance soutenue de l'emploi et des salaires (primes incluses) et d'une inflation modérée, booste le pouvoir d'achat cette année. Par habitant, sa hausse est de 2,1%, du jamais vu depuis 2007!
La consommation augmente moins que prévu
Mais en réalité, la situation n'est pas si rose. Car, si la Banque de France est moins optimiste qu'en mars, c'est aussi parce que les Français dépensent moins vite que prévu ce surplus d'argent. La hausse de la consommation a été revue à 1,1% pour cette année, contre 1,6% attendu auparavant.
"Quand vous distribuez du pouvoir d'achat, les ménages ne le consomment pas tout de suite", rappelle Olivier Garnier, "mais ce que l'on observe, c'est qu'ils en ont épargné encore plus que ce que l'on escomptait."
Sur six mois, entre fin 2018 et début 2019, le gain de pouvoir d'achat des Français se chiffre à 8,5 milliards d'euros. Sur ce montant, 3,1 milliards ont été dépensés, mais le reste, soit près des deux tiers du total, est parti en épargne. La Banque de France prévoit un pic du taux d'épargne à 15,3% cette année, contre 14,4% en 2018.
Pourquoi les gains de pouvoir d'achat ne se transforment pas en hausse plus forte de la consommation? L'institution monétaire tente de formuler une explication.
D'abord, les ménages réagissent différemment selon la nature de la hausse de leur pouvoir d'achat. S'il s'agit d'une hausse de salaire, la réaction est plus rapide, s'il s'agit d'une baisse d'impôt, les gains sont "pour moitié épargnés et pour moitié consommés" en moyenne, selon les experts de la Banque de France.
Puis, cela diffère aussi selon le niveau de revenus. Proportionnellement à ce qu'ils gagnent, les moins aisés consomment davantage que les plus riches, car ils ont moins de marges pour épargner. On peut donc s'attendre à ce que les gains issus de la hausse de la prime d'activité et de la baisse de la taxe d'habitation, qui les concernent au premier chef, soient plus rapidement consommés. À l'inverse, la suppression de l'ISF, qui concerne les plus riches, devrait plutôt se traduire en une hausse de l'épargne.
"Un peu plus de consommation" en 2020 et 2021
Cette prudence des Français n'est pas forcément un mal pour l'économie. D'abord, parce que cette moindre consommation n'est pas catastrophique, étant donné que la croissance tricolore devrait rester au-dessus de la moyenne européenne cette année (1,2%).
Surtout, si les Français épargnent plus que prévu, cela signifie qu'ils en ont davantage sous la pédale pour dépenser plus dans les années à venir. D'autant que leur pouvoir d'achat va continuer d'augmenter: +1,2% en 2020 et +1% en 2021.
C'est en tout cas ce qu'anticipe désormais la Banque de France. Les ménages pratiquent "un lissage de leur consommation", explique Olivier Garnier, avec "un peu moins de consommation en 2019, mais un peu plus à l'horizon 2020-2021". En trois ans, les Français auront enregistré un gain de pouvoir d'achat total de 124 milliards d'euros. Sur cette somme, 95 milliards devrait être dépensés, le quart restant épargné.
Cette stimulation de la consommation permettra de compenser en partie les moindres performances attendues sur le plan du commerce extérieur. "Le ralentissement mondial a tendance à se prolonger", analyse le directeur général de la Banque de France, ce qui devrait peser sur la croissance dans les prochaines années. C'est pour cette raison que, finalement, l'institution maintient sa prévision de croissance pour 2021 à 1,4%.