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"Il y a une part de communication": Choose France ce n'est que 6% de l'investissement total dans le pays et il n'est globalement pas très florissant

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Si la 8e édition du sommet Choose France va établir un nouveau record en matière de projets d'investissements étrangers, cela ne représente qu'une petite part des investissements dans l'Hexagone. Lesquels repose avant tout sur le tissu de PME.

Quelques jours après la publication du baromètre EY sacrant une nouvelle fois la France comme pays le plus attractif d'Europe pour les investissements étrangers, Emmanuel Macron réunit les grands patrons à Versailles ce lundi 19 mai pour consolider ce titre à l'occasion du sommet Choose France.

Cette 8e édition va d'ailleurs battre un nouveau record avec 20 milliards d'euros de projets nouveaux d'investissements annoncés. "En ce début d'année 2025, malgré un contexte commercial extrêmement tendu au niveau international, (...) la France continue à accueillir de nouvelles annonces", s'est félicité sur BFMTV Laurent Saint-Martin, ministre délégué en charge du Commerce extérieur.

Pour lui, ce succès est le signe d'une politique de l'offre qui fonctionne et qui participe à une dynamique de réindustrialisation: "La France a réussi a inversé la courbe de la création nette d’emplois industriels. (...) Notre pays est enfin redevenu attractif. Les investisseurs qui seront aujourd’hui à Versailles n’étaient pas là il y a dix ans", a-t-il assuré.

L'investissement des entreprises en baisse en 2024

Mais pour de nombreux économistes, les annonces de Choose France ne sont que l'arbre qui cache la forêt. Car la situation de l'investissement en France est "plutôt morose", observe auprès de BFM Business Sylvain Bersinger, chef économiste au sein cabinet Asterès. Après un rebond en sortie de crise sanitaire, l'investissement des entreprises non financières a en effet reculé de 1,6% en 2024, selon l'Insee.

Et si le stock d'investissements directs à l'étrangers entrants rapporté au PIB a bien augmenté depuis 2013, c'est le cas dans la majorité des pays européens "sans que la France ne se distingue particulièrement", poursuit Sylvain Bersinger. Surtout, les 20 milliards d'euros d'investissements annoncés lors du sommet Choose France ne pèsent au final "que" 6% du total des investissements annuels des entreprises dans l'Hexagone.

L'économiste d'Asterès juge ainsi "préférable" que les investissements en France soient réalisés par des entreprises françaises car "la dynamique d'investissement, c'est tout le maillage des milliers de petites et moyennes entreprises françaises, pas uniquement les entreprises étrangères qui ne représentent pas la masse de l'investissement. La dynamique de fond vient de la PME du fin fond du Cantal qui va décider d'investir ou pas", plus que des grands groupes étrangers, illustre-t-il.

Les Experts : Choose France, une 8e édition record - 19/05
Les Experts : Choose France, une 8e édition record - 19/05
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"Il y a une part de communication"

Faut-il pour autant renoncer à Choose France? Pas forcément, selon Sylvain Bersinger qui juge l'initiative "utile" car "c'est toujours bien d'attirer les investisseurs étrangers".

"Mais il ne faut pas se mentir, la plupart des investisseurs décident d'investir ou pas indépendamment d'une réception à Versailles. Il y a une part de communication", reconnaît-il.

Économiste à l'OFCE, Éric Heyer se montre lui aussi partagé: "Choose France, c'est très bien, c'est une sorte de vitrine. Mais qu'on soit obligé de le faire, ça doit un peu nous questionner" puisque cela montre qu'on doit faire la promotion "de la politique de l'offre en France", observe-t-il sur BFM Business.

Une politique de l'offre mise en place par Emmanuel Macron qui est "uniquement une politique de l'offre fiscale", regrette par ailleurs Patrick Artus, économiste et conseiller économique d'Ossiam. Certes la France abaissé ses impôts de production, son impôt sur les sociétés et instauré le prélèvement forfaitaire unique mais "ce n'est qu'un tout petit morceau d'une vraie politique de l'offre" qui doit aussi se concentrer sur tout l'environnement des entreprises, du niveau de compétences à l'énergie en passant par "l'environnement réglementaire qui est extrêmement lourd en France et pour lequel il n'y a eu aucun progrès", déplore l'économiste.

Selon lui, la répartition sectorielle des investissements annoncés n'est pas de nature à rassurer puisqu'"il y a beaucoup d'investissements dans la logistique, dans le tourisme, l'audiovisuel... Ce n'est pas pour nier la qualité de ces secteurs mais la proportion d'investissement dans la tech, dans le numérique, est assez faible". "Choose France en tant que tel, si on fait le bilan des éditions précédentes, ça a plutôt été des investissements dans des structures qui existaient déjà en France, on n’augmente pas la capacité productive", abonde Éric Heyer.

Des faiblesses structurelles

Bref, "il faut saluer l’initiative mais je crois qu’on peine à attirer des investissements de modernisation de l’économie et puis il y a tous ces problèmes structurels non résolus qu’il faudrait résoudre d’abord", ajoute Patrick Artus, citant parmi les faiblesses structurelles de l'économie française l'énergie certes disponible mais au coût qui reste élevé, le niveau de compétences de la population active et notamment des jeunes ou encore le vieillissement démographique.

Compte tenu de ces difficultés structurelles, "dynamiser l'investissement des entreprises en France est plus facile à dire qu'à faire", confirme Sylvain Bersinger. Certains y parviennent davantage: "On ne peut pas s'empêcher de regarder ce qui se passe ailleurs et notamment aux États-Unis qui ont eu l'Inflation réduction act qui était bien plus efficace (...) mais qui a aussi coûté beaucoup plus cher", souligne Éric Heyer.

Mais avec des finances publiques exsangues, la France n'a sans doute pas les moyens de ses ambitions pour rivaliser avec les géants économiques. D'où la question que se pose Éric Heyer, à savoir est-ce vraiment à la France de mener une politique d'attractivité isolée ou est-ce que cela ne doit pas plutôt "se faire au niveau européen?".

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco