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Dans une Europe qui décroche, la France reste, avec 1.025 projets, le pays qui reçoit le plus d'investissements étrangers

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Selon le baromètre EY, les investissements étrangers ont baissé en 2024 en Europe et en France. Malgré ces résultats décevants, l'économie tricolore reste la plus attractive pour les entreprises sur le continent européen.

La France maintient la tête hors de l'eau. Elle garde son rang de pays le plus attractif d'Europe en 2024 pour les entreprises, avec le plus grand nombre d’investissements internationaux réalisés, selon le baromètre annuel EY.

La France est ainsi numéro un avec 1.025 projets accueillis en 2024, mais ce résultat est en baisse de 14% par rapport à 2023. Le Royaume-Uni (2ème avec 853 projets) et l'Allemagne (3ème avec 608 projets) suivent la même tendance à la baisse par rapport à l'an dernier.

"Il s'agit du signe que l'attractivité du site France résiste, quelles que soient les circonstances qui ont pu être difficiles, notamment du fait des tensions internationales", a commenté le ministère de l'Économie à la publication du rapport.

La performance française est cependant atténuée par son 3ème rang en nombre d’emplois par projet: 30 pour l'Hexagone contre 48 pour l'Allemagne et 125 pour l'Espagne. Les créations de postes générées en France par ces projets d'investissements étrangers ont fortement diminué (-27%) entre 2023 et 2024, "ce qui est indicatif de la prudence, des coûts et des délais relatifs aux implantations", selon le baromètre.

La création d’emplois en France se heurte encore au coût chargé de la main d’œuvre, qui est parmi les plus élevés en Europe comme le montre le tableau ci-dessous.

Le coût horaire du travail reste en France parmi les plus élevés d'Europe.
Le coût horaire du travail reste en France parmi les plus élevés d'Europe. © EY

Second bémol pour la France, les investisseurs étrangers procèdent très majoritairement par extension de sites qui existent déjà plutôt par création ex-nihilo, et ce beaucoup plus qu’ailleurs en Europe (63% contre 36% en moyenne).

La France est le pays d'Europe qui a accueilli le plus d'investissements étrangers en en Europe.
La France est le pays d'Europe qui a accueilli le plus d'investissements étrangers en en Europe. © EY

"L’Europe ne parvient pas à rassurer"

Au delà de la performance française, c'est toute l'Europe qui décroche. Les investissements étrangers ont diminué pour la deuxième année consécutive et sont désormais à leur niveau le plus bas depuis neuf ans (-5% entre 2024 et 2023).

Le contraste avec les États-Unis est saisissant car dans le même temps, ils ont progressé d’environ 20% outre-Atlantique.

"Les investisseurs étant attirés par les conditions du programme IRA et les 'promesses' pro-business formulées par Donald Trump", avancent les auteurs du rapport.

Les investisseurs américains se tournent d'ailleurs de moins en moins vers l'Europe (-11% par rapport par rapport à 2023 et -24 % par rapport à 2022). "L’Europe ne parvient pas à rassurer les investisseurs quant à sa capacité à surmonter les crises et à proposer des solutions nouvelles", note le rapport EY.

Les chefs d'entreprises interrogés par EY citent notamment les tensions géopolitiques, le contexte macroéconomique et les barrières commerciales. Au-delà de ces crises, en écho au récent rapport Draghi, les dirigeants internationaux invitent l’Europe à répondre aux enjeux structurels auxquels elle fait face: déficit de compétitivité, moindre capacité à innover en comparaison avec les États-Unis et la Chine, pénurie de main d’œuvre qualifiée et formée aux enjeux de demain.

"En déficit de compétitivité et confrontée à un environnement instable, l’Europe voit les investisseurs réduire leurs positions."

Le nombre d'emploi créés par les investissements étrangers a d'ailleurs diminué de 15% en 2024 par rapport à 2023.

L'industrie en souffrance en France

Au milieu du marasme européen, la France reste néanmoins devant ses voisins. Elle se distingue dans certains secteurs stratégiques (énergie, IA, agro-alimentaire). Globalement, le solde entre les ouvertures et les fermetures de sites reste positif, mais il diminue et les destructions d’emplois repartent à des niveaux élevés.

La France est particulièrement à la peine dans l'industrie et les services à valeur ajoutée. "Aux yeux des investisseurs étrangers, l’attractivité industrielle souffre des coûts salariaux, mais aussi d’un manque de foncier, de compétitivité énergétique, de robotisation, d’innovation et d’agilité", détaille le rapport.

Certaines industries historiques comme la chimie et l'automobile marquent le pas, et connaissent plus de fermetures que d'ouvertures d'usines pour la première fois depuis la crise du Covid.

Selon le sondage réalisé par EY, les chefs d'entreprises reconnaissent les atouts de la France (taille du marché, innovation, compétences, infrastructures) mais se sont heurtés aux enjeux de court terme (rentabilité, stabilité, énergie et moyens disponibles pour la transition écologique).

La situation est d'autant plus préoccupante que les capacités de rebonds de la France sont fragiles, notamment du fait de la croissance mole et des finances publiques dégradées.

Des champions mondiaux

L'étude d'EY soulève néanmoins plusieurs points positifs: "En dépit de sa taille, somme toute limitée, la France a su saisir la balle au bond dans des secteurs d’avenir : IA, énergie décarbonée, logiciel, défense..."

Par ailleurs, l'économie française dispose de champions mondiaux dans un certain nombre de domaines (énergie, aéronautique, agroalimentaire, défense...) qui lui offrent certaines garanties en matière de souveraineté.

Enfin, sur le plan européen, l'absence totale d'une industrie dans certains domaines (semi-conducteurs, grandes plateformes digitales...) pose aussi la question de l'autonomie.

Marine Cardot